Composer chaque année une gamme de champagnes au style défini à partir de 45 crus aux profils distincts, relève autant d’un challenge que d’un savoir-faire viticole et vinicole. Alexandre Ponnavoy, chef de Caves de la Maison Taittinger, nous livre ici quelques secrets de la construction des cuvées.

Principe de cuvée

L’élaboration d’une cuvée de Champagne repose sur quatre principes, selon Alexandre Ponnavoy, chef de Caves de la Maison Taittinger. Le premier d’entre eux est « l’histoire, le respect du style » précise-t-il. Le second est le terroir, « qui fournit la matière première la plus précise possible ». Vient ensuite « la pratique œnologique pour révéler et accompagner le terroir afin de sublimer tous les facteurs et le savoir-faire viticole ». Enfin « le temps », véritable singularité champenoise, pendant lequel les substances du vin s’apprivoisent et s’organisent dans une lente alchimie au sein de l’apparente quiétude des caves souterraines.

Terroir et œnologie, main dans la main

L’assemblage est considéré comme une étape dans la construction d’un vin. Les dégustations réalisées en équipes permettent « au viti de venir vers le vini et réciproquement », souligne Alexandre Ponnavoy, avant d’ajouter que « le volume moyen en vinification est de 200 hl, ce qui représente entre 1 à 2 ha ». Cela permet de différencier les nuances de terroir au sein des 37 crus en propre de la Maison et de travailler avec cette diversité. « Plus on a de couleurs primaires intenses, plus on a de richesse de palettes et de textures de vin » ajoute le chef de Caves. « Le savoir-faire viticole, développé par l’expérience et l’observation humaines, permet de mieux comprendre les facteurs naturels du terroir (sol, sous-sol, altitude, pente, vents dominants, matériel végétal, vigueur) et d’augmenter la précision des vins. En retour, la vinification des jus permet de mieux comprendre les terroirs et d’être encore plus précis sur les pratiques viticoles, c’est un cercle vertueux. La fluidité d’exécution des vendanges et la proximité de la cuverie accroît par ailleurs le potentiel qualitatif des raisins » précise Alexandre Ponnavoy. « Le fait de connaître le vignoble de A à Z permet aussi d’envisager en amont les pré-assemblages et les assemblages. »

Précision des crus

« Le respect de l’identité des terroirs en vinification passe par l’utilisation au maximum de cuves en inox thermorégulées – afin d’éviter d’imprimer un style trop important -, mais aussi par peu de soutirages, pas de filtration et peu de pompages » indique Alexandre Ponnavoy.

L’orientation des crus dans les assemblages constitue la création de l’œuvre. Le classement des crus de Champagne est une longue histoire initiée dès 1911 et défini dernièrement dans le Cahier des Charges de l’AOC Champagne en 2010. Il concerne 319 crus répartis entre 17 grands crus (GC), 44 premiers crus (PG) et 258 autres crus (AC). Alexandre Ponnavoy apprécie dans les vins de grands crus « la structure, la profondeur, la droiture, l’austérité des vins jeunes » tandis qu’il trouve dans les vins de premiers crus « une diversité aromatique intéressante avec un côté charmeur, de la buvabilité, du dynamisme, une certaine gourmandise ». Les autres crus ne sont pas en reste et apportent leur typicité avec souvent moins d’amplitude. En Côte des Bar, où le domaine possède 80 ha, Alexandre Ponnavoy valorise « un pinot noir frais et gourmand, avec une typicité sur le village des Riceys qui ajoute de la complexité aromatique sur le Brut Réserve et le Brut Rosé ». 

La valse des crus

La cuvée Brut Réserve est composée de 45 crus dont des autres crus, premiers crus et des grands crus en bonne proportion, notamment constitutifs des 30 % de vins de réserve en chardonnay. Les cuvées Prestige Rosé, Nocturne et Nocturne Rosé sont composées de 30 crus. Le Prélude Grand Cru compte 6 à 7 grands crus, le millésime comprend 70 % de grands crus et le reste en premiers crus.

La prestigieuse cuvée Comtes de Champagne comprend cinq grands crus de la Côte des Blancs (hors Oiry) et le Comtes de Champagne Rosé six grands crus (trois en chardonnay, trois en pinot noir, dont Bouzy pour la partie vinifiée en rouge).

Enfin, la cuvée Les Folies de la Marquetterie se compose d’une douzaine de parcelles vinifiées séparément et comprenant un passage en foudre (grande cuve en bois) pour 30% de la cuvée.

C’est donc une jonglerie savamment réfléchie qui s’instaure lors de l’assemblage, un art complexe et virtuose – ici orchestré par le chef de Caves Alexandre Ponnavoy – qui permet de donner corps à ce lien étroit et fondamental entre le vignoble et la cuverie, et de révéler le style Taittinger.

Alexandre Ponnavoy, chef de Caves

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Texte : Geoffrey ORBAN