Héritage de la pratique du négoce en Champagne, l’échelle des crus a été officiellement abandonnée en 2004. Toutefois, les notions de « Grand Cru » et de « Premier Cru » persistent toujours « en vertu des usages locaux, loyaux et constants ». Découvrez l’histoire de ces appellations et pourquoi elles restent ancrées au sein de l’interprofession comme dans l’esprit des amateurs de Champagne. 

Le vin, une monnaie d’échange convoitée

Dès l’Antiquité, le commerce du vin est une activité florissante, si bien que les négociants cherchent rapidement à classifier ces nectars selon leur origine, la nature des sols ou encore leur région de production. 

Le vin de Champagne ne fait pas exception

En 1718, un premier auteur, Jean Godinot, identifie certains villages de Champagne pour la qualité de leurs vins et les classifie en deux catégories : les communes viticoles qui produisent des vins de Montagne et celles qui élaborent de vins de Rivière. Cette classification sera reprise et progressivement enrichie par d’autres auteurs.

Dans les années 1870, les Maisons de Champagne sont nettement moins nombreuses que les propriétaires de vignoble. Ces derniers, ne pouvant pas eux-mêmes produire du vin de Champagne, sont contraints de vendre leurs raisins aux Maisons de Champagne qui fixent unilatéralement leur prix profitant d’une offre excédentaire. En 1873, la presse locale publie un premier relevé du prix du kilo de raisins pratiqué dans chaque village viticole que l’on appelle également « un cru ». 

D’un relevé à une échelle des crus 

Au début du XXème siècle, ni les pluies, ni les gelées, ni les maladies de la vigne ne sont épargnées aux vignerons marnais. Plutôt que d’augmenter le prix d’achat du raisin, les négociants champenois, galvanisés par leur succès commercial, préfèrent s’approvisionner dans d’autres régions viticoles. 

Les instances décident alors de délimiter l’aire de production du Champagne sans y inclure le territoire viticole de l’Aube. Ulcérés par cette décision, les vignerons aubois se révoltent en 1911. La même année, le Syndicat du Commerce des Vins de Champagne élabore, à partir d’un tableau confidentiel, une première échelle des crus exprimée en pourcentage. Cette échelle se base sur plusieurs critères clés comme l’exposition, le relief, l’altitude, la géologie, les vents dominants, le microclimat, les cépages plantés, l’âge des vignes, la distance avec le pressoir, la vinification, etc.

Il faudra attendre 1919 pour que le Syndicat du commerce des vins de Champagne et le Syndicat général des vignerons de la Champagne acceptent de se rencontrer et de se mettre officiellement d’accord sur cette échelle des crus. 

Jusqu’en 2003, cet outil distingue 17 Grands Crus classés 100%, 44 Premiers Crus classés de 99 % à 90 % et 258 autres communes classées de 89% à 80% en appellation d’origine contrôlée Champagne. 

Ce pourcentage détermine le prix réel du kilo de raisin, prix calculé en fonction d’un prix de base fixé avant les vendanges par le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne. Les raisins des communes classées « Grand Cru » sont donc payés à 100% de ce prix de base, ceux des communes « Premier Cru » sont donc payés selon la commune de 90 à 99% de ce prix de base et les raisins d’appellation Champagne sont donc payés selon la commune de 89% à 80% de ce prix de base.

En 2004, ce dispositif a dû être abandonné car il n’était pas conforme au droit communautaire de la concurrence. 

Et depuis ? 

Depuis, on parle désormais d’une moyenne de prix du fait de la multiplication des primes (environnementales par exemple) qui peuvent venir s’ajouter au prix du kilo de raisin. En 2023, le prix du raisin Grand Cru s’élevait à 7,30 euros du kilo en moyenne (primes non incluse), ce qui en fait le raisin le plus cher du monde. 

La quintessence du terroir en bouteille 

Si elles sont aujourd’hui décorrélées de tout classement, les appellations « Grand Cru » et « Premier cru » sont restées une référence en Champagne et s’imposent dans une certaine mesure comme un gage de qualité et de provenance. Les Pinots Noirs et les Chardonnays provenant d’une parcelle Grand Cru restent par exemple très prisés par les Maisons pour leur finesse, leur élégance et leur complexité. Néanmoins, un Champagne Premier Cru peut, par exemple, être vendu plus cher qu’un Champagne Grand Cru, du fait de la notoriété de la marque, de sa présence dans les guides de dégustation, à l’export ou encore dans le circuit CHR (Cafés, Hôtels, Restaurants).

La Maison Taittinger, un vignoble Grand Cru et Premier Cru exceptionnel 

Certifié depuis 2017 « Haute Valeur Environnementale » et « Viticulture Durable en Champagne », le vignoble familial de 288 hectares de la Maison Taittinger est l’un des plus grands de Champagne.

Planté à 37 % en Chardonnay, 48 % en Pinot Noir et 15 % en Meunier, il est harmonieusement réparti sur 37 crus différents s’étendant entre la Côte des Blancs, la Côte des Bar, la Vallée de la Marne et la Montagne de Reims. Près de 45% du vignoble Taittinger est classé en Grand Cru et en Premier Cru. 

Cette mosaïque de terroirs d’excellence conduits en viticulture raisonnée et durable permet à la Maison de produire des vins iconiques qui enchantent et traversent le temps.

Texte : Katia Demissy
Photo : Droits réservés