En Champagne, il y a des questions qui reviennent souvent : le vin des rois se bonifie-t-il dans des flacons taille XXL ? Et si oui pourquoi ? Comment le contenant influence-t-il le vieillissement du Champagne ? Y a-t-il un intérêt particulier à le laisser vieillir ? Si pour Thomas d’Aquin, « le temps n’est rien », en Champagne « le temps est tout »… Voici pourquoi.
Vieillissement du Champagne : L’Éloge du Temps
C’est un fait, au fil du temps, le vin évolue naturellement et ce quel que soit le contenant. On appelle ce processus : le vieillissement.
Le vin de Champagne connaît deux types de vieillissement.
Le premier s’opère dans la bouteille juste après la prise de mousse. À l’issue de la seconde fermentation alcoolique, les levures, piégées à l’intérieur de la bouteille, meurent progressivement et s’autolysent (dégradation). Les agents actifs contenus dans leurs membranes (des composés azotés, des mannoprotéines, des macromolécules, des composés aromatiques, et des lipides) vont se dissoudre et enrichir le vin sur le plan aromatique. C’est ce qu’on appelle la maturation sur lies ou le vieillissement sur latte.
Le second vieillissement débute après le dégorgement, une fois le dosage effectué. Cette liqueur d’expédition, dont les secrets de fabrication sont jalousement gardés, vient déterminer le profil final du champagne et le style de la Maison. Ces quelques mois de repos supplémentaires permettent à la liqueur de se fondre harmonieusement dans le vin et d’enrichir la trame aromatique.
Il doit légalement s’écouler a minima 15 mois entre le tirage et l’expédition, dont 12 obligatoirement sur lies. Le délai minimum est de 36 mois pour les Millésimes. Les vins de Champagne sont les seuls à connaître une aussi longue maturation. La réglementation européenne n’impose en effet qu’un délai minimum de 90 jours pour les vins effervescents…
Le rôle essentiel du bouchon…
Parallèlement à l’autolyse, un phénomène d’oxydation lente provenant de la porosité du bouchon de Champagne se produit. Le liège est un matériau naturel qui contient en effet du gaz, de l’azote et de l’oxygène, ce qui le rend donc étanche au liquide mais perméable à l’air.
Cet échange gazeux est nécessaire pour le vieillissement du vin. Au fil des années, la compression du bouchon de liège s’amenuise. Il se rétracte et laisse passer de l’air. Et quand le vin est en contact avec l’air, il s’oxyde. Pour qu’il garde sa fraîcheur, il faut donc le préserver de l’oxydation (ndlr : le CO² contenu dans la bouteille n’est pas un gaz oxydant). Alors qu’autrefois il était un simple outil de scellage, le bouchon de Champagne a connu une évolution importante. Même si les matériaux utilisés varient selon les producteurs, il est aujourd’hui spécialement conçu pour assurer une conservation optimale du vin de Champagne.
…et de la taille du flacon
Les vins conditionnés en grands formats vieillissent mieux, c’est vrai. Le magnum est le contenant idéal pour les amateurs qui souhaitent conserver leurs vins en cave pendant quelques années car il offre un potentiel de garde plus important qu’une bouteille de 75cl. La raison est simple : le goulot est identique quelle que soit la taille du contenant. L’oxygénation du vin se fait donc plus lentement.
Un autre facteur joue également : la date de dégorgement. Deux cuvées du même millésime en magnum mais dégorgées à des dates différentes, offrent un résultat sensiblement différent. Plus la date de dégorgement est récente, plus le vin est frais.
L’intérêt du vieillissement au moment de la dégustation
Dans le vieillissement, l’évolution du fruit est particulièrement intéressante. Au fil des années, on passe de « l’éclat de la jeunesse » à « l’équilibre de la maturité » pour atteindre la « complexité de la plénitude ». Si les champagnes jeunes sont très simples à appréhender avec leurs arômes fruités et vifs, les champagnes plus vieux offrent quant à eux une merveilleuse odyssée olfactive… De même, les champagnes millésimés offrent un meilleur potentiel de garde : de 10 à 20 ans contre 5 ans en moyenne pour un champagne non millésimé.