Rien ne prédestinait Christelle Rinville, née à Longwy d’un père ouvrier sidérurgiste et d’une mère au foyer, à devenir directrice du vignoble Taittinger fonction qu’elle occupe depuis le 1er mai 2020.
Même une jeunesse à la campagne ne constitue pas franchement un sésame pour le monde agricole, encore moins viticole. La Lorraine revendique cependant d’avoir toujours nourri un vif intérêt pour la nature au sens le plus large. Ce qui l’a justement conduite vers la faculté de Nancy, puis l’Ecole nationale d’horticulture d’Angers pour un DESS « Technologie du végétal ».
Alors, quoique ceci ne soit pas suffisant pour expliquer cela, force est de constater que l’on s’en rapproche. Le reste est affaire de circonstances… et de passion.

Christelle Rinville : un parcours

A l’issue de mes études, j’ai trouvé un emploi dans le cadre d’une collaboration entre le ministère de l’Agriculture (Service Régional de la Protection des Végétaux à l’époque) et le CIVC. Il s’agissait de montrer que la viticulture raisonnée avait toute sa place en Champagne. C’était en 1991… 2 ans plus tard était fondé le GIE Magister, aujourd’hui présidé par Simon Blin que j’accompagne en qualité de vice-présidente. J’ai ensuite intégré le service technique du CIVC, 10 ans dans l’équipe de Dominique Moncomble. En 2000, je suis entrée chez Laurent-Perrier sous la présidence de Bernard de Nonancourt et la direction d’Alain Terrier. Je me suis investie en qualité de directrice du vignoble (sur une centaine d’hectares) jusqu’en 2015, date à laquelle je suis arrivée chez Taittinger. J’ai retrouvé cet esprit où la famille compte avant tout et permet de s’investir à 100%. Pendant 5 ans, Vincent Collard m’a transmis sa connaissance du vignoble. Le vignoble Taittinger, c’est son œuvre avec son père avant lui : majeur et inestimable pour notre Maison. On « n’apprend » pas 288 hectares du jour au lendemain, cela prend du temps, c’est une attention de chaque jour presque de chaque instant.

Christelle Rinville - directrice du vignoble Taittinger
Vincent Collard et Christelle Rinville

Direction du vignoble Taittinger

Mon rôle consiste à faire en sorte que tout ce qui concerne la vigne se passe bien, de la plantation à l’arrachage pour ainsi dire, avec chaque année le temps fort de la vendange. Mais aussi important, ce sont les hommes et les femmes qui œuvrent avec moi dans ce sens, c’est-à-dire 70 personnes à temps plein, jusqu’à 100 personnes avec les saisonniers, et entre 700 et 800 personnes lors des vendanges.

Quand j’ai débuté dans le domaine technique et le conseil viticole, il y avait peu de femmes. Aujourd’hui, dans les exploitations familiales, de plus en plus de filles reprennent le flambeau. Pour ma part, je me suis toujours sentie à ma place dans le vignoble. Je ne revendique rien, mais j’avoue que j’éprouve un brin de fierté à occuper ce poste.

Quant au management, je pense que ce n’est pas une question d’homme ou de femme : on est jugé sur sa compétence, son écoute, sa sensibilité.  

Une mission

Au sein de la Maison, j’ai deux obsessions : la qualité et nos équipes. Toute l’année, nous travaillons pour préserver et améliorer le potentiel de la vigne, et la récolte doit sublimer ce travail.

Tout le vignoble est certifié Haute Valeur Environnementale et Viticulture Durable en Champagne, dans une perspective éco-responsable qui n’est pas un effet de mode mais une démarche cohérente initiée de longue date par Pierre-Emmanuel Taittinger. D’ailleurs, toute la « philosophie Taittinger » est empreinte de ce respect de la qualité du produit, de l’environnement, du patrimoine, du consommateur, et des équipes qui y contribuent.

Un métier

J’exerce un métier passionnant qui réclame beaucoup d’humilité par rapport à la nature, car une année ne ressemble jamais à une autre. Il faut savoir s’adapter en permanence pour permettre à la vigne d’exprimer au mieux son potentiel.

Si l’impact actuel du réchauffement climatique est plutôt positif, donnant des raisins de qualité qui permettent de « sortir » des millésimes, qu’en sera-t-il si la température augmente encore d’un ou deux degrés ? Il faudra alors tout revoir : les plantations, les installations ; il faudra peut-être modifier la variété des cépages ; le choix des porte-greffes… Le Comité Champagne s’est emparé de ces questions depuis longtemps.

Et puis il faut aussi savoir s’adapter à… la réglementation, et ce n’est pas toujours le plus facile !

La viticulture est un artisanat. La biodiversité est la réussite d’un équilibre. De beaux raisins donneront de beaux champagnes. L’esthétique est essentielle. Quand c’est beau, on est sur la bonne voie. De la vigne à la bouteille, le champagne doit faire rêver.

Le vignoble Taittinger sur taittinger.com
Retrouvez notre série de podcasts sur les vendanges dans l’onglet “podcasts” du blog

Texte : Jacques Rivière