Chef de partie dans un restaurant 2 étoiles au Noirmont, Miguel Valerio représentera la Suisse au 55e Prix international de cuisine d’auteur, Le Taittinger, qui aura lieu à Londres en janvier 2023. Chez ce jeune homme de 24 ans, rien n’est banal. Ni son physique (à la Gaël Faye), ni son sens aigu de la compétition, ni sa force de travail. Démonstration.
Votre premier souvenir en cuisine ?
Lors de mon premier stage, à La Chaux-de-Fonds, le chef s’est cassé les deux poignets. Il avait deux plâtres mais il travaillait quand même. C’est à partir de là que j’ai commencé à m’intéresser à ce milieu. J’avais 13 ans. À la base je n’avais pas du tout prévu de faire ce métier. Mon frère, oui. Je m’y suis lancé par pur esprit de compétition, pour faire mieux que lui.
Étiez-vous préparé à la rigueur de ce métier ?
Absolument pas ! Dans un restaurant gastronomique, il y a une discipline, une rigueur bien particulière qu’on n’a pas forcément à cet âge-là. Mais c’est ce qui m’a plu et m’a fait rester. J’ai toujours aimé que les choses fonctionnent comme une montre, chaque rouage bien à sa place.
Cuisiner, est-ce un métier, un art, un mode de vie ?
C’est un sport de haut niveau, mélangé à de l’art. On s’entraîne à apprendre un coup de main, on répète le même geste encore et encore jusqu’à le maîtriser. Et ensuite on passe à un autre geste et on recommence. Pour le côté art, je fais un lien entre la cuisine et la photographie, que je pratique aussi. On retrouve le même sens du détail. Je suis très attentif au design, au niveau des goûts et au niveau de l’esthétique.
À quoi ressemble votre cuisine ?
J’ai fait mon apprentissage dans un restaurant moléculaire. Le chef avait une vision de la cuisine très moderne, très rock’n roll, très décalée. Après cette expérience, j’ai travaillé pour un chef qui était au contraire très militaire, très traditionnel et moderne en même temps. Je pense que je me situe entre les deux.
Comment se déroule le processus de création d’un nouveau plat ?
Je passe d’abord par le dessin. Ça me permet de visualiser les assiettes. Je prends la tablette graphique, je mets de la musique classique et je me perds pendant des heures. Après, j’essaie de faire. Si ça marche c’est bien, si ça ne marche pas on essaie autrement.
Quels produits aimez-vous travailler ?
Il n’y en a pas que j’aime plus que d’autres. J’aime tout faire. J’aime tout savoir faire. En tant que cuisinier ce serait dommage de se brider. S’il y a un produit qui attire moins je vais le mélanger à autre chose pour faire en sorte qu’on l’aime. Par exemple l’épinard, dont les gens ne sont pas particulièrement friands, je le mélange à du jus de pomme qui va supprimer l’amertume et apporter un équilibre.
Vous en êtes à votre 4e concours culinaire*. Qu’est-ce qui vous attire ?
J’ai toujours eu l’esprit de compétition. Se présenter à des concours permet aussi de sortir du quotidien, de créer, de savoir où on se situe.
Sur quelle touche personnelle avez-vous remporté la finale suisse du Taittinger ?
J’ai la chance de vivre dans une région – le Jura – où le cochon est une tradition très ancrée. Il y a même une fête, la Saint-Martin, qui lui est dédiée. Je m’en suis justement inspiré pour créer ma recette et c’est ce qui a séduit le jury.
Comment vous préparez-vous à la finale internationale ?
Le soir après le service, je fais du dessin, je réfléchis au concours. J’ai la chance ou la malchance de ne pas aimer dormir. Franchement si je pouvais enlever cette option de mon corps je le ferais ! Et les jours de fermeture, je fais les essais, les entraînements. J’ai la chance que mon chef actuel, Jérémy Desbraux, ait été lui-même lauréat du Taittinger en 2015. Il m’a aidé à me préparer sur l’étape précédente et on continue de travailler ensemble pour la finale.
Votre point fort ?
La persévérance. Une fois que j’ai une idée, je vais au bout, quoi qu’il en coûte. C’est un point fort qui peut être un point faible car je peux être très têtu aussi !
Votre rêve ?
Devenir patron d’un restaurant ne m’a jamais intéressé, c’est trop de contraintes. Je préfère me concentrer sur la cuisine, sur la création de nouveaux plats. Mon rêve, c’est de gagner le Bocuse d’or, mais plus vers mes 30 ans. D’ici là, j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir.
* Poivrier d’Argent (2018), Cuisine des jeunes (2018), finale suisse du Taittinger (2022), finale internationale du Taittinger (2023)