À l’ombre du parachute Jump, vestige du premier parc de Coney Island, combien de pieds ont foulé la promenade Riegelmann connue pour être la plus longue au monde ? Cette balade qui borde la plage sur 4.3 km, fut popularisée en 1964 par le groupe The Drifters et leur single Under the Boardwalk, classé en 4ème position des Billboard Hot 100. Comme ce Hit, Coney Island a connu un succès fulgurant dès la fin du XIXème siècle avec le développement des réseaux de transports ferroviaires pour atteindre jusqu’à deux millions de visiteurs par an. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, la station balnéaire concentrait le plus grand nombre d’attractions des Etats-Unis dont les principales trônaient à Steeplechase Park, Luna Park et Dreamland.
Steeplechase Park, dont le nom est hérité de sa célèbre course de chevaux mécaniques, fut le premier parc de Coney Island. Son créateur, George C. Tilyou, fasciné par la grande roue de l’exposition universelle de 1893 à Chicago, s’en inspire pour créer la sienne et inaugure Steeplechase en 1897. Après avoir surmonté trois incendies en l’espace de trente ans, le parc doit cohabiter avec les tripots, la prostitution et les gangs avoisinants. Lors de la fermeture de la Foire internationale de New York en 39-40, Tilyou tombe cette fois sous le charme du fameux Parachute Jump et l’achète. Cette ancienne tour d’entrainement pour parachutistes est tout ce qu’il reste de Steeplechase Park, fermé définitivement en 1964. Ajoutée au Registre national des lieux historiques et identifiée New York City Landmark, cette relique appelée « Tour Eiffel de Brooklyn » est devenue le symbole du quartier de Coney Island ; elle est notamment sublimée dans le roman nostalgique et semi-fantastique Closing Time de Joseph Heller (1994).
Le deuxième parc emblématique de la rive, Luna Park, est ouvert en 1903 par Fréderic Thompson et Helmer « Skip » Dundy. Une de ses attractions les plus célèbres, « A Trip to the Moon » venant de l’Exposition pan-américaine de 1901 à Buffalo, donna au parc le nom de son fameux vaisseau spatial « Luna ». Il subit lui aussi une fréquentation malfamée et ferme en 1944 après deux incendies pour être démembré deux ans plus tard après un ultime incendie. Sa célébrité inspira la création de nombreux parcs sous le même nom, dont un situé Porte Maillot à Paris, à l’emplacement actuel du Palais des Congrès. Au cœur de cet établissement dirigé par Gaston Akoun, prenait place un magnifique skating rink qui accueillit les patineurs de 1909 aux années 40, date de fermeture du parc. Via une campagne de revitalisation du quartier des attractions, véritable poumon économique qui constitue en grande partie l’identité historique de la péninsule, le Luna Park de Coney Island renait de ses cendres en 2010.

Bien qu’il ait une histoire plus succincte, le parc de Dreamland, marqua lui aussi le souvenir autour de son univers. Exploité de 1904 à 1911 par Tammany Hall et William H.Reynolds, il s’agit alors d’un trolley park, concept imaginé par les compagnies de transport afin que les citadins utilisent leurs services le week-end. Les montagnes russes, une copie des canaux vénitiens avec balade en gondole et le village des lilliputiens étaient sublimés par des décors grandioses composés d’un million d’ampoules. Un incendie, fatalité propre aux parcs de l’époque due aux installations électriques défectueuses, couplé à une gestion hasardeuse du parc, entraîna la fin de Dreamland où se trouve aujourd’hui l’Aquarium de New York.
Comme illustré dans Dreamland, roman historique de Kevin Baker publié en 1999, l’identité de la péninsule s’est construite dans un contexte économique et social complexe. Ce monde sous-terrain et coloré de New York a forgé un souvenir nostalgique et idéalisé des attractions de Coney Island.