Depuis près de quatre siècles, l’atelier rémois est passé maître dans l’art du vitrail, jouant de la couleur et du soleil.

1640. Louis XIII connaît une fin de règne mouvementée, cinq ans après avoir déclaré la guerre à l’Espagne. On se bat dans le Piémont, sur les terres du Roussillon ou dans la baie de Cadix. Dans ce siècle de violence, à Reims, Pierre Simon a terminé son temps de compagnonnage. Il peut prétendre à la maîtrise. Pour cela, il réalise un petit verre décoré d’émaux. C’est son « chef d’œuvre », celui qui lui permet d’être accepté par ses pairs et de devenir, lui aussi, maître-verrier. Sans qu’il ne le sache alors, ce petit verre est d’une importance déterminante. Pour lui, bien sûr, mais aussi pour les douze générations qui lui succéderont. Pierre Simon est à l’origine d’une dynastie de maîtres-verriers qui font aujourd’hui de l’Atelier Simon-Marq l’une des plus anciennes entreprises de France, mais aussi l’une des plus estimées en France et en Europe.

Menacé de disparition, l’Atelier Simon-Marq a été repris par le Rémois Philippe Varin, président du groupe Suez, et Pierre-Emmanuel Taittinger, le président de la mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne, ancien dirigeant de la Maison Taittinger. Pendant des siècles, les ateliers ont réalisé et restauré les vitraux de très nombreux édifices religieux, dans tout l’Est de la France et bien au-delà. Surtout, l’entreprise est toujours restée attachée à Reims, ne quittant jamais la capitale du Champagne pour une autre terre. Elle y est toujours implantée et rejoindra en 2021 l’église du Sacré-Cœur, au sein du quartier Clairmarais, pour s’y installer dans les espaces vastes et lumineux qui lui sont nécessaires.

L’art de son temps
L’attachement n’est pas feint, il est viscéral. On se souvient que ses descendants ont bravé les bombardements allemands pour sauver les vitraux qui pouvaient l’être, dans la cathédrale de Reims. Jacques Simon et ses compagnons ont déposé ces vitraux et les ont stockés à l’abri. Sans eux, il ne serait plus possible de les admirer, la cathédrale de Reims ayant été ravagée par les incendies qui ont suivi le bombardement de 1917. Les gargouilles crachant du plomb conservées au Palais du Tau en témoignent. Toute la vie de Jacques Simon sera consacrée à la réparation des dommages de la Première guerre mondiale. Il établit le quartier général historique de l’atelier rue Ponsardin, dans une superbe maison Art déco qu’il fait construire mais qui est aujourd’hui sortie du giron de l’Atelier.

En 1957, Brigitte Simon et Charles Marq, son époux, ouvrent une voie nouvelle, non pas seulement pour leur entreprise, mais aussi pour le monde de l’art. Ils sont en effet les premiers à faire la promotion des grands peintres de leur temps pour créer des vitraux dans les édifices civils et religieux, là où l’on se contentait de reproduire les vitraux disparus à la manière des compagnons du Moyen Âge. Marc Chagall – à Reims bien sûr, en 1974 –, Georges Braque, Juan Miró, Serge Poliakoff, Raoul Ubac, Maria-Helena Vieira da Silva ont tous été accompagnés par l’Atelier Simon-Marq dans leur découverte de ces jeux de lumière entre le verre et le soleil. Il s’agit là du prolongement d’un travail ouvert avec les artistes des mouvements Art Déco et Art Nouveau. Plus récemment, François Rouan, David Tremlett, Imi Knoebel, Hans Erni ou Jean-Paul Agosti ont pris part à des aventures similaires avec l’Atelier Simon Marq.

Des trésors
Aujourd’hui, l’Atelier Simon-Marq veille sur un « trésor » accumulé par les générations précédentes. Près de 1200 petites plaques de verre, comme un nuancier presque infini de teintes issues des époques modernes ou plus anciennes. La Maison de l’architecture et du patrimoine, institution de référence en France, conserve pour sa part les archives des maîtres-verriers Simon-Marq (XVIIIe – XXe siècles), parmi lesquelles le relevé des vitraux de la Cathédrale de Reims au XIXe siècle ou encore toutes les maquettes de vitrail réalisées par Paul Simon. Depuis 2006, l’atelier rémois est détenteur du label « Entreprise du patrimoine vivant ».

Douze générations plus tard, les temps ont changé. Le patrimoine religieux n’est plus le seul « marché » investi par l’Atelier Simon-Marq et, désormais, les particuliers font aussi appel à son savoir-faire unique. Une autre forme de reconnaissance…

Atelier de vitraux Simon-Marq
9 rue de la Justice, 51100 Reims
(à partir du 1er janvier 2021 : Eglise du Sacré Coeur, 50 rue Ernest Renan, 51100 Reims)
ateliersimonmarq.com
instagram.com/ateliersimonmarq
facebook.com/AtelierSimonMarq

Texte : Cyrille Jouanno
Photos : Benoît Pelletier