À travers leurs productions, les studios de Cinecittà illustrent la dolce vita à l’italienne. Tout un imaginaire qui prend forme dans le cinéma italien des années 1950-60.

Hollywood sur Tibre. C’est ainsi que l’on a rapidement surnommé Cinecittà, le plus grand complexe industriel cinématographique jamais créé en Europe et dont l’ambition avouée, en 1936, était alors de concurrencer la production américaine. Rien de moins ! 

À neuf kilomètres du centre de Rome, la « cité du cinéma » est désormais ouverte au public, qui s’est vu offrir voici dix ans la possibilité de visiter ses plateaux.  Elle se déploie sur une superficie de 60 hectares, proposant 73 bâtiments dédiés au cinéma dont 16 espaces scéniques, 75 kilomètres de rues, plus de trois hectares de jardins, et même deux grandes piscines utilisées pour les prises de vue à effet « maritime ». 

Cinecittà studios
Les studios de Cinecittà © Cinecittà/Droits réservés

On imagine bien ce que fut cet immense espace de tournage pensé pour être auto-suffisant en lieux, en hommes et en matériel. On n’y trouve pas moins de 21 plateaux de tournage. 

En l’espace de six ans, juste après son ouverture, 300 films y sont déjà tournés. Si les tout premiers sont liés au pouvoir mussolinien (à l’origine, Cinecittà visait aussi à servir l’ambition de Mussolini à travers la propagande), la chute du régime fasciste ouvre sur une tout autre production dans laquelle s’engouffre la fine fleur des jeunes cinéastes italiens de l’après-guerre. Luchino Visconti (Mort à Venise, Le Guépard…), Roberto Rossellini (Rome Ville ouverte) ou encore Vittorio De Sica (Le Voleur de bicyclette) comptent parmi ceux qui tournent le plus à Cinecittà. Fellini y réalise la plupart de ses films, dont La Dolce Vita, avec Marcello Mastroianni, Anita Ekberg et Anouk Aimée (1960). 

L’usine à rêves tourne à plein régime et Cinecittà apporte un contrepoint européen et créatif à la production américaine qui afflue sur le monde entier dès la fin de la Seconde guerre mondiale. Certains cinéastes américains désertent même Hollywood, les talents sont en Italie et les budgets n’y explosent pas encore. C’est l’âge d’or du cinéma italien, celui qui diffuse dans le monde entier une certaine idée de l’élégance, de la romance et d’un art de vivre que l’on nommera alors « la dolce vita ». Des actrices italiennes s’y révèlent : Sophia Loren, Claudia Cardinale, Gina Lollobrigida, Anna Magnani, Monica Vitti… Sans Cinecittà, il est probable qu’aucune d’entre elles n’aurait acquis la visibilité et la reconnaissance mondiales qui furent les leurs. 

Les années 1950-60 sont aussi celles des grands « péplums » italiens. De Quo vadis à Cléopâtre, en passant par Ben Hur, plus de 300 reconstitutions antiques sont tournées sur le site, avant que n’y prennent place, dans les décennies suivantes les « western spaghettis » de Sergio Leone. Tout est possible à Cinecittà, comme lorsque l’on y construit une église, les autorités ecclésiastiques ayant interdit le tournage de Don Camillo dans les lieux de culte. Ou plus récemment, lorsque Paolo Sorrentino y reproduit à l’identique de nombreux espaces du Vatican, pour ses séries The Young Pope (2016) et The New Pope (2019). 

Le mythe Cinecittà perdure et l’on y trouve parfois des décors et un savoir-faire à la mesure de ses projets, comme lorsque Martin Scorsese décide de quitter les Etats-Unis pour venir y tourner toutes les scènes extérieures de Gangs of New-York. Né dans la période trouble de l’Italie fasciste, Cinecittà s’en est affranchie pour devenir une référence mondiale en termes de production indépendante. Par milliers, les visiteurs se pressent aujourd’hui sur les lieux de ces tournages. Le mythe n’est pas près de s’éteindre.

cinecitta.com
Texte : Cyrille Jouanno
Image de une : Les studios de Cinecittà © Cinecittà/Droits réservés