En 2019, la Maison Taittinger apportait son soutien financier à la restauration de l’orgue centenaire de l’église d’Isles-sur-Suippe, initiée par la municipalité. Retour sur le travail remarquable mené par une équipe de bénévoles passionnés sous la direction du facteur d’orgue Michel Gaillard.

Georges Burigana a le sentiment du devoir accompli. Avec cinq amis bénévoles, il a terminé voici quelques mois la restauration de l’orgue de son village d’Isles-sur-Suippe, une commune d’un peu plus de 800 habitants, au Nord de Reims. Sans le confinement, c’est en avril qu’aurait dû avoir lieu le premier concert sur cet instrument datant de la fin du XIXe siècle. Suite à la Première Guerre mondiale, l’instrument ayant beaucoup souffert, celui-ci avait cependant été reconstruit en 1929 grâce au matériel de la prestigieuse maison Merklin-Fortin, une référence dans le domaine.

Retraité de l’automobile, Georges Burigana n’en était pas à sa première réalisation puisqu’il comptait déjà, parmi ses réalisations les plus marquantes, quatre horloges d’églises centenaires ainsi qu’une maquette de la façade de la cathédrale de Reims. « Nous avons travaillé ici avec un facteur d’orgue alsacien, Michel Gaillard, qui nous dirigeait. Avec l’engagement à ses côtés de six bénévoles [formant “L’association des amis de l’orgue et des vitraux d’Isles-sur-Suippe”], il a pu, grâce aux centaines d’heures de travail ainsi gracieusement offertes, diviser par six la facture finale. » 

Sous l’œil avisé du maître, il aura d’abord fallu démonter l’orgue et entreposer méthodiquement ses 500 tuyaux dans un atelier érigé pour l’occasion au sein de l’église, afin de les nettoyer, d’en ôter les « kilos » de poussière amassés au fil de années, avant de les remettre en place. Pour faciliter le travail durant ce temps de restauration, la petite équipe a dû construire un plancher escamotable. Des soins particuliers, faisant appel aux compétences complémentaires de chaque bénévole, ont également été apportés aux claviers et à leurs mécanismes de commandes, à la soufflerie électrique et à la « montre », partie apparente du meuble en chêne massif. « Il nous a fallu changer la centaine de soufflets, les remplacer par des neufs car la plupart étaient troués, se souvient Georges Burigana qui s’est fait un plaisir de restaurer le moteur de la soufflerie. Tout a été remonté, le buffet a été ciré, et c’est alors l’instant magique. Je me souviens très bien du moment où Michel Gaillard s’est lancé et nous a joué un magnifique morceau de Jean-Sébastien Bach. Cela sonnait avec une telle puissance dans notre église ! »

On imagine l’émotion du petit groupe qui, depuis, n’a de cesse d’imaginer comment il fera résonner à nouveau l’orgue restauré. Le confinement a retardé quelque peu ses projets. Mais bientôt, Pierre Méa, l’organiste titulaire du grand orgue de la cathédrale de Reims sera à la manœuvre, et avec lui, la Maîtrise de la Cathédrale.  

Michel Gaillard dira à propos cette aventure qui s’est étendue sur près d’un an : « Ce principe de travail collectif assumé par une équipe de bénévoles est, sur le plan humain, une expérience qui restera gravée dans les mémoires. Il s’agit d’un acte citoyen, d’une démarche artistique, patrimoniale et de conservation respectueuse de l’instrument qui a retrouvé son souffle. Nous avons réalisé un beau travail de restauration dont chacun peut être légitimement fier. »

Comme les autres bénévoles, Georges Burigana n’avait jusqu’alors jamais travaillé à la restauration d’un orgue. À travers cette restauration, assure-t-il, « les bénévoles se sont découvert des talents qu’ils ne soupçonnaient pas ». Et pour eux, l’aventure de l’orgue d’Isles-sur-Suippe est loin d’être finie.

Texte : Cyrille Jouanno
Illustrations et photo : Eric Dabancourt