Cet immense spécialiste de la cathédrale de Reims est aussi un historien du vin de Champagne, explorant ce qu’il estime être sa “préhistoire”. Pour la Maison Taittinger, il a notamment apporté son expertise pour retracer l’histoire de Thibaut IV, une figure étroitement liée à l’emblématique Cuvée des Comtes de Champagne.

En souriant, il se définit comme un « Rémois AOC », au moment d’évoquer le lien indéfectible qui l’unit depuis toujours à la cathédrale de Reims. Il en est depuis quelques décennies le spécialiste mondial et incontesté. Cette passion, Patrick Demouy la nourrit de longue date, depuis ces années où il était enfant de chœur, servant la liturgie à différents moments de la journée. « Je me souviens avoir été touché par la qualité de la lumière qui entre dans la cathédrale et qui varie selon l’heure. Adolescent, j’ai rapidement essayé de comprendre ce que la statuaire nous révélait. » Il n’est encore qu’un jeune étudiant en histoire lorsqu’il écrit son premier livre sur la cathédrale, à 21 ans. Bien d’autres suivront même si, pour cet infatigable chercheur, il reste encore beaucoup à apprendre sur Notre-Dame de Reims. « Il faut mener un travail encore plus approfondi sur l’iconographie, même si nous avons fait d’énormes progrès depuis une vingtaine d’années. La façade d’une cathédrale est un livre ouvert, dont il nous reste parfois à décrypter le message que véhicule la statuaire. » Pour cela, il se plonge dans les archives, essayant de « retrouver la pensée et la construction intellectuelle des clercs de l’époque ».

L’étude du champagne est son autre passion, sa « gourmandise », dit-il. Le médiéviste s’attache à « combler un déficit de connaissance » sur la période antérieur au XVIIe siècle et à l’invention de la méthode champenoise. « C’est la préhistoire du champagne, explique-t-il. Mais on remarque très vite que la généalogie des parcelles est ancrée. Finalement, elle n’a que très peu bougé. » Il explore aujourd’hui les archives parisiennes pour voir l’importance que le vin de Champagne y a pris dès le Moyen Âge. « Il s’opère un basculement à compter du XIVe siècle où le ‘vin de rivière’ – c‘est ainsi que l’on nommait celui de la Vallée de la Marne – commence à prendre des parts de marché au  ‘vin de Beaune’, alors prédominant. C’était un vin tranquille mais déjà très estimé. » Dans cette exploration des textes, Patrick Demouy retrouve une constante : « Le vin de Champagne est déjà reconnu au Moyen Âge pour sa finesse, sa clarté, son élégance. Ce sont les termes que l’on retrouve le plus fréquemment lorsqu’il s’agit de le qualifier. » Il lui reste à identifier la place réelle qu’il occupait à la Cour des Rois de France, avant même qu’il ne devienne un vin effervescent.

La Maison Taittinger et Patrick Demouy ont déjà collaboré à de nombreuses reprises, œuvrant pour la reconnaissance du terroir de Champagne, notamment pour le classement au patrimoine mondial de  l’Unesco de ses Coteaux, Maisons et Caves de Champagne. Aujourd’hui, ils sont engagés dans un projet de reconstruction de la façade de la Maison des musiciens, à Reims. Démontée et en partie sauvée en 1917, avant que l’édifice ne soit ravagé par les bombardements et les incendies l’année suivante, elle fut remontée en 1982 dans une salle  du musée Saint-Remi, exposant sa statuaire remarquable. Le médiéviste est particulièrement attaché à ces lieux, propriété de la Maison Taittinger. « Au-delà de son intérêt historique et architectural, c’est aussi le lieu de naissance de ma grand-mère », précise-t-il. La boucle serait presque bouclée…

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Texte : Cyrille Jouanno
Crédit image : DR