Lewis Carroll (1832-1898) est le nom de plume de Charles Lutwidge Dodgson. Mathématicien, auteur et photographe, il est avant tout connu pour son hymne à l’enfance et à l’imaginaire intemporel : Alice au pays des merveilles. L’auteur imagine des univers « où les rêves de l’enfance / Reposent, lorsqu’ils ont pris fin / Comme des guirlandes fanées / Cueillies en un pays lointain » et définit la littérature jeunesse telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Le mathématicien poète
Charles Dodgson passe son enfance dans le Yorkshire (Angleterre) entouré de ses dix frères et sœurs pour lesquels il aime créer des spectacles de marionnettes. Jeune homme doué, mais à la personnalité effacée, il devient professeur de mathématiques à Oxford, au collège Christ Church en 1855. Au même moment, l’église anglicane l’ordonne diacre mais il renonce à devenir prêtre invoquant sa timidité et son bégaiement. Outre son goût pour les mathématiques, Charles Dodgson se passionne pour les arts et la littérature. Ainsi, il publie de nombreux poèmes dans le magazine The train et s’adonne à l’art naissant de la photographie. Son goût des énigmes, des jeux de mots et de la parodie en fait l’un des grands maîtres du « non-sense » en littérature. Il a notamment popularisé le « doublet », ce casse-tête consistant à transformer un mot en un autre en modifiant une lettre à la fois, chaque changement successif aboutissant toujours à un mot authentique. Il choisit de publier ses créations sous le pseudonyme de Lewis Carroll.
Rapidement, il excelle dans l’art de la photographie et devient un photographe réputé.
Au Pays des merveilles
La genèse de l’œuvre qui inscrit Lewis Carroll dans l’Histoire commence en juillet 1862, au cours d’une balade en barque avec les trois filles du doyen de l’université. Tout en ramant, l’auteur improvise un conte merveilleux dont il nomme le personnage principal Alice, en référence à Alice Liddell, fille cadette de la fratrie.
Il lui faudra peu de temps pour poser cette histoire sur le papier et la publier quelques mois plus tard en 1865, illustrée par Sir John Tenniel. Ce chef-d’œuvre de la littérature moderne rencontre un succès immédiat y compris auprès des intellectuels de la société victorienne qui y trouvent une intarissable source d’inspiration. Il en sera de même de ses œuvres suivantes De l’autre côté du miroir (1872) et La Chasse au Snark (1876).
Alice, une petite fille sage s’endort par une belle journée printanière au son de la voix de sa sœur, et s’embarque pour un voyage onirique aussi instructif que fantaisiste. Elle poursuit jusque dans son terrier un lapin portant une montre à gousset et se disant « terriblement en retard ». C’est alors qu’Alice pénètre dans un monde trouble où tout se traverse et s’inverse avec humour et fragilité ; un monde qui n’est autre que le royaume de l’enfance.
Se succèdent une série de rencontres surprenantes, du Chat du Cheshire à la terrible Reine de Cœur. Qui ne connaît pas ce célèbre chapitre du Chapelier conviant Alice à prendre une tasse de thé ? Durant cet épisode délicieusement absurde, ils débattent du temps qui semble s’être arrêté à l’heure du thé et s’organisent pour prendre le thé continuellement sans jamais pouvoir donner de réponses aux devinettes qu’ils se posent à eux-mêmes.
Ces rencontres permettent à l’auteur d’analyser avec humour et métaphores le comportement des adultes. Ceux-ci se révèlent souvent malpolis, autoritaires. « Nous sommes tous fous, ici. Je suis fou. Vous êtes folles ». Le passage de l’enfance à l’âge adulte, la communication et l’identité sont les préoccupations sous-jacentes de Lewis Carroll qui ponctuent le voyage d’Alice. Ce qui n’était alors qu’une histoire pour enfant offre finalement au lecteur une source inépuisable de réflexions et d’interprétations.
Toute sa vie, Lewis Carroll s’est questionné, cherchant à se surpasser et à devenir une meilleure version de lui-même : plus intelligent, plus imaginatif, plus précis. Il se lie d’amitié avec d’autres enfants pour qui il créera d’autres contes. L’amitié est parfois brève, parfois plus profonde, laissant place à une volumineuse correspondance, mais tous recevront en cadeau un exemplaire d’Alice.
« Soyez ce que vous voudriez avoir l’air d’être ; ou, pour parler plus simplement : Ne vous imaginez pas être différente de ce qu’il eût pu sembler à autrui que vous fussiez ou eussiez pu être en restant identique à ce que vous fûtes sans jamais paraître autre que vous n’étiez avant d’être devenue ce que vous êtes. »