Alliant art, architecture et conscience écologique, les artistes, Luca Antognoli et Gabriel Pontoizeau de l’Atelier Faber conçoivent des œuvres in situ qui invitent à réfléchir sur notre environnement. Leur dernière création, « Rausa », entièrement composée de roseaux, déploie sa poésie dans la cour d’honneur du Musée Saint-Remi à Reims, telle la réminiscence d’un espace végétal face à l’impitoyable urbanisation du territoire. Une installation éphémère, à découvrir jusqu’au 13 octobre 2022.
Architectes de formation, Luca Antognoli et Gabriel Pontoizeau ont créé l’Atelier Faber à Paris en 2019 pour travailler sur les relations entre l’art, l’architecture et l’environnement. « Faber, en latin, signifie faire, fabriquer et renvoie à une dimension artisanale, qui correspond bien à notre démarche » souligne Gabriel Pontoizeau. Dans le sillage des artistes du Land Art et d’une nouvelle génération d’architectes comme le japonais Junya Ishigami qui puisent leur inspiration dans la nature, le jeune duo défend une approche poétique de l’espace, en lien avec l’environnement. « L’envie de pousser le curseur plus loin nous a amenés à participer à des concours d’installations pour envisager l’architecture sous le prisme de l’art et donner corps à des enjeux écologiques » expliquent-ils.
Rausa, une œuvre qui questionne notre rapport au monde
Lauréats du concours lancé par les musées de Reims autour du développement de la ville et de sa relation avec son environnement naturel, les deux artistes ont ainsi imaginé et réalisé « Rausa », une installation paysagère, entièrement composée de bottes de roseaux, qui se dresse dans la cour d’honneur du Musée Saint-Remi. « En étudiant l’histoire de la ville et les archives du musée, nous avons été frappés par l’urbanisation extrême du territoire. Il ne subsiste que très peu de traces des marais de la Vesle, des terres marécageuses et des zones humides, si indispensables pour prévenir les inondations. Nous avons donc voulu rendre hommage aux roseaux, plantes emblématiques des marais, traditionnellement employés dans la réalisation de toits en chaume, pour incarner ces paysages disparus et favoriser une prise de conscience face à la constante dégradation de l’environnement par l’activité humaine. »
Cette installation, à forte charge symbolique, se présente sous la forme d’un pavillon circulaire, de douze mètres de diamètre, ouvert sur le ciel. Les bottes de roseaux sont empilées les unes sur les autres pour former une paroi extérieure massive de tiges coupées, contrastant avec une intériorité sensible et délicate, composée des fleurs légères du roseau, animées par la course du soleil et le souffle du vent.

Le contraste entre la minéralité de l’ancienne abbaye et la dimension végétale de l’œuvre donne à ressentir, très concrètement, les éléments de la Terre comme un flux invisible. Le spectateur est amené à participer à l’œuvre dans la mesure où il entre dans son espace et peut l’appréhender selon différents prismes : regarder, méditer, écouter le frémissement des feuilles, sentir, caresser les fleurs… Une expérience multi-sensorielle qui invite à se reconnecter avec l’environnement.
Positionnement écologique
Sensibiliser aux enjeux écologiques à travers l’art n’est pas une première pour Luca Antognoli et Gabriel Pontoizeau. En 2020, lors du Festival international des jardins des hortillonnages d’Amiens, ils alertaient déjà sur les dangers de l’artificialisation des sols et la disparition des terres agricoles avec « Roques », un pavillon cubique construit uniquement à partir des planches de bois utilisées par les maraîchers pour renforcer les berges. Cet espace métaphorique de 20 m2 (superficie qui correspond précisément à la surface de sol artificialisé chaque seconde en France), permet à chacun de ressentir l’ampleur du problème lors de sa visite. Dans une autre installation, « La voûte de Rolion », (Festival des abris de fortune sur les chemins de Compostelle – 2019), ils s’attachaient à réhabiliter des matériaux écologiques et à favoriser une forme d’osmose entre l’homme et le paysage.
A rebours d’une logique productiviste, les deux artistes revendiquent le retour à une certaine forme de simplicité, en privilégiant l’utilisation de matériaux bruts et géosourcés.
A l’heure où la préservation de l’environnement apparaît cruciale pour les générations futures, les installations de Luca Antognoli et Gabriel Pontoizeau se dressent en rempart protecteur des environnements fragiles, et nous glissent l’idée de ce que nous devons à notre planète. Cesser de croire que l’homme est le maître incontesté des éléments, et chercher à comprendre la vie qui, bien qu’invisible autour de nous, est indispensable, constitue un pas vers un futur, non pas meilleur mais au moins vivable.
