C’est l’une des plus prestigieuses institutions d’art contemporain. Les Serpentine Galleries de Londres sont reconnues autant pour leurs expositions que pour leur esprit avant-gardiste. Faiseur d’expositions et de tendances, le très select musée londonien a aussi emmené l’architecture dans le monde de l’art avec ses fameux Pavillons Serpentine.

Au beau milieu de Hyde Park, les Serpentine Galleries sont deux espaces d’exposition dédiés à l’art contemporain, installés de chaque côté du lac Serpentine, dans les Kensington Gardens de Londres. C’est en 1970 que la Galerie Serpentine voit le jour, dans un ancien pavillon de thé construit en 1934. Championne des nouvelles idées, l’institution londonienne présente des expositions pionnières, qu’il s’agisse de talents émergents ou des artistes les plus renommés comme Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat, Anish Kapoor, Gerhard Richter ou Richard Prince et devient un lieu phare de la scène artistique internationale.

Serpentine Sackler Gallery ; image © John Offenbach

En 2013, la Serpentine Gallery s’enrichit d’un deuxième site, la Serpentine Sackler Gallery. Situé à cinq minutes à pied de sa grande sœur, dans un entrepôt de munitions datant du XIXe siècle, ce nouvel espace se déploie sur 900 mètres carrés, avec une extension futuriste conçue par l’architecte Zaha Hadid. Véritables vitrines de l’art contemporain, les deux galeries accueillent des expositions de renommée mondiale et attirent plus d’un million de visiteurs par an. Un succès qui repose sur une programmation innovante, la gratuité des expositions et un certain sens du « coup », imprimé par son directeur artistique Hans Ulrich Obrist, un des grands chamans de l’art d’aujourd’hui. 

L’architecture comme œuvre d’art

C’est ainsi que, depuis 2000, le musée a développé un programme architectural unique au monde : les pavillons de la Serpentine Gallery. Le principe ? Inviter un architecte réputé n’ayant jamais bâti au Royaume-Uni, pour concevoir un pavillon d’été éphémère abritant les manifestations culturelles et pédagogiques de la galerie. La seule contrainte est que le tout soit réalisé en six mois. Oscar Niemeyer, Frank Gehry ou Jean Nouvel, les plus grands architectes se sont prêtés à cet exercice de style annuel et le Serpentine Pavilion est devenu un site incontournable d’expérimentation architecturale. Retour en images sur quatre de ces folies structurelles.

Serpentine Gallery Pavilion 2009 designed by Kazuyo Sejima and Ryue Nishizawa of SANAA, Serpentine Gallery, London (12 July – 18 October 2009) © 2009 SANAA, Photograph © 2009 Nick Guttridge/VIEW

SANAA (2009), « comme de la fumée »
En 2009, les architectes japonais Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa de SANAA créent une espèce de nuage éthéré dont la structure métallique réfléchit le milieu environnant. Le duo décrit son pavillon comme « de l’aluminium flottant, dérivant librement entre les arbres comme de la fumée ». Dans un effet de miroir, la canopée ondule à travers le site, changeant en fonction de la météo, reflétant la verdure et le ciel… Une poésie architecturale en aluminium et acier inoxydable.

Olafur Eliasson (2007), une spirale avec vue 
L’artiste dano-islandais Olafur Eliasson, associé à l’architecte norvégien Kjetil Thorsen, imagine en 2007 une structure conique ludique, conçue comme une immense toupie. Les visiteurs pouvaient monter une rampe en spirale sur deux niveaux pour bénéficier d’une vue spectaculaire sur Hyde Park. L’emploi de matériaux contrastés où le bois massif sombre semble être maintenu par des torsions blanches en forme de rideau, offre un étonnant effet ajouré, renforcé par des jeux de lumières colorées.

Serpentine Pavilion 2018, designed by Frida Escobedo Serpentine Gallery, London (15 June – 7 October 2018) © Frida Escobedo, Taller de Arquitectura Photography © 2018 Iwan Baan

Frida Escobedo (2018), inspiration mexicaine
À 39 ans, la Mexicaine Frida Escobedo signe la conception du pavillon 2018. Inspirée de l’architecture traditionnelle de son pays, sa structure prend la forme d’une cour fermée par une enceinte ajourée, rappelant la jalousie ou « celosia » mexicaine, composée de tuiles de ciment sombre laissant filtrer les vues sur le parc. Sur le sol du pavillon, débordant dans la cour, un bassin triangulaire fait écho à la courbe de la toiture, bardée de panneaux réfléchissants. Ce dispositif révèle la course du soleil, faisant de la lumière et l’ombre des matériaux à part entière.

Serpentine Pavilion 2019 Designed by Junya Ishigami, Serpentine Gallery, London (21 June – 6 October 2019), © Junya Ishigami + Associates, Photography © 2019 Iwan Baan

Junya Ishigami (2019), roches en lévitation
Avec la délicatesse des gestes qui le caractérise, l’architecte japonais Junya Ishigami déploie en 2019 une structure sculpturale : une vaste toiture en ardoises de 61 tonnes semblant émerger du sol repose sur une forêt de poteaux diaphanes. Comme une vague sortant de terre, la grappe de roches lévite comme un morceau de tissu flottant. Le pavillon est la démonstration d’un principe cher à l’architecte : « Freeing architecture » ou penser l’architecture librement, pour harmoniser les structures créées par l’homme et ce qui existe déjà dans la nature.

Le but de vouloir rapprocher l’architecture contemporaine d’un public plus large a été atteint. Les pavillons de la Serpentine Gallery accueillent jusqu’à 250.000 visiteurs chaque année et figurent dans la liste des cinq premières expositions d’architecture et de design les plus visitées au monde. Le prochain pavillon éphémère a été confié à l’artiste américain Theaster Gates, connu pour ses interventions urbaines et ses projets engagés. Résultat en juin 2022.

Serpentine Sackler Gallery ; image © 2013 Luke Hayes
serpentinegalleries.org
instagram.com/serpentineuk

Texte : Anne de la Giraudière
1ère image © 2007 John Offenbach