L’association Instrumentarium de Reims mène un travail de recherche absolument passionnant en matière de musique médiévale – et particulièrement de la seconde moitié du XIIIe siècle. De quoi vivement intéresser les férus du genre ou tous les curieux de nature.

Lorsqu’un luthier rencontre un autre luthier ils parlent évidemment – sinon de luth – de leur passion pour ces instruments de musique à cordes pincées ou frottées et à caisse de résonance tels que les violons, violoncelles et autres guitares, qu’ils fabriquent, réparent, restaurent, entretiennent.

Si d’aventure leurs pas les mènent devant la Cathédrale de Reims, ils en repèrent bientôt quelques vénérables ancêtres représentés sur la statuaire et les vitraux et demandent tout de go combien il serait possible d’en dénombrer. Comme on leur répond un peu rapidement « qu’il n’y en a pas ! », et pourtant certains de ce qu’ils voient, ils décident sur le champ de mener l’enquête.

Ils rencontrent Laure Bailly qui a réalisé un mémoire sur les instruments de la Cathédrale – preuve qu’il y en a ! –, les a répertoriés, identifiés, décrits, rassemblés en familles. Sur les sculptures, les bas-reliefs, les vitraux, il s’en compte précisément 541, se trouvant pour l’essentiel réunis sur la façade et le portail central, à l’image de la thématique en vitrail de la Grande Rose et de ses 24 anges, dont 18 « musiciens » qui accompagnent la Vierge et forment un ensemble orchestral céleste. 

Album photos d’avant la photo

« Ce qui est assez unique, explique le luthier François-Joseph Pommet, c’est que l’on peut observer la structure des instruments, et la façon dont on en jouait. Cela fournit énormément d’indications sur la pratique musicale de l’époque, notamment au cours de la deuxième moitié du XIIIe siècle, car les rares traités de musicologie et l’iconographie (essentiellement les enluminures de manuscrits) n’expliquent pas la manière de jouer. À ce titre, la Cathédrale est presque un… album photographique avant l’heure. Sur le portail, on voit notamment un musicien qui joue d’une sorte de citole, ancêtre de la guitare, avec la position des doigts sur chaque corde, dans une sublime élégance du geste. »

Détail d’un vitrail de la Cathédrale de Reims

Valoriser, restituer, faire vivre

Avec l’intention de valoriser le patrimoine instrumental figurant sur la Cathédrale de Reims, François-Joseph Pommet (luthier du quatuor), Ludovic Pothet (luthier guitares et instruments du monde) et Laure Bailly (médiatrice culturelle), rejoints par Cécile Bolbach (professeur honoraire au Conservatoire de Reims) fondent alors l’association Instrumentariumde Reims. Fort de ce premier objectif, le quatuor a mis au point une visite thématique de la Cathédrale à partir de ses quelque 2 300 statues et ses vitraux. Puis il s’est également donné pour but de « restituer » certains de ces instruments, puisqu’il n’existe aucun vestige d’époque en la matière. François-Joseph Pommet a ainsi réalisé un prototype de vièle en 8, parfaitement « jouable », tandis qu’une citole et une vièle à volute sont en cours de restitution. Le troisième objectif de l’association étant de faire vivre l’instrumentarium à travers des conférences, des initiations à la musique médiévale, voire des concerts avec des musiciens spécialisés.

Visite guidée organisée par l’Instrumentarium de Reims à la Cathédrale de Reims

Consultants pour la Maison des musiciens

Mais les fondateurs de l’association sont aussi intervenus en qualité de consultants lors de la reconstitution de la façade de la Maison des Musiciens, rue de Tambour, à Reims. À partir des statues originales et de leurs « manques », conservées au Musée Saint-Remi, à partir de photographies de la façade d’avant 1914, à partir de rapprochements faits avec la statuaire de la Cathédrale, il a fallu « définir le plus précisément possible la nature des instruments et la façon dont les personnages en jouent », explique François-Joseph Pommet. Leur intervention a notamment permis de rectifier, sur les maquettes initiales, la posture du joueur de flûte et de tambourin, ainsi que la vièle et la manière dont le musicien l’utilise…

Sachant qu’avec la Cathédrale et la Maison des Musiciens Reims dispose d’un vrai trésor relatif à cette période, les membres de l’Instrumentarium ne s’interdisent pas de rêver à une salle d’interprétation dédiée, au sein du Palais du Tau, à la musique médiévale… 

1Il s’agit notamment de cors, trompes, cornemuses, cymbales et tambours pour les instruments « hauts », utilisés en plein air ; de harpes, citoles, psaltérions, vièles et guiternes, flûtes, clochettes pour les instruments « bas », destinés à la musique d’intérieur. 
2Dans le domaine musical, l’instrumentarium désigne l’ensemble des instruments utilisés pour une œuvre.
instrumentarium-reims.weebly.com

Texte : Jacques Rivière
Images : Instrumentarium de Reims