Les chefs de plus de 250 restaurants Michelin mais aussi Lenny Kravitz, Nicole Kidman, Oprah Winfrey, sont tombés sous le charme du design audacieux et sans compromis de Stefanie Hering. Fondatrice de Hering Berlin, manufacture de porcelaine traditionnelle berlinoise, la designeuse change notre perception de la porcelaine et du service de table tout en perpétuant un savoir-faire traditionnel.

Les plus grands chefs cuisiniers lui ont confié la mise en assiette de leurs créations culinaires. On la dit pragmatique, sans jamais oublier qu’un bon design doit fonctionner tout en apportant plaisir et sérénité dans la cuisine. Pour cela, elle travaille en étroite collaboration avec la manufacture traditionnelle de Reichenbach en Allemagne. Elle y forme les maîtres artisans et expérimente avec eux des formes, des émaux et des ornements innovants. Dans chaque objet de la maison Hering Berlin, il y a un savoir-faire qui a été transmis de génération en génération et une attention aux détails qui n’est possible que dans une production purement artisanale.

Pourquoi avoir choisi la porcelaine comme sujet d’expression et d’exploration ?

Mes grands-parents avaient une ferme. Manger ensemble était un moment important de notre vie de famille. J’ai pris conscience très tôt que la nourriture méritait une présentation convenable à table et je voulais construire cette scène. À l’âge de 16 ans, j’ai commencé un apprentissage en poterie et je me suis retrouvée à apprécier de plus en plus la beauté, les possibilités, mais aussi les défis qu’offrent la porcelaine. C’est pourquoi j’ai décidé de faire des études complémentaires en design céramique et là j’y ai découvert mon style, ce que je voulais donner au monde. Ma porcelaine raconte cette passion, ma volonté de toujours questionner ce lieu d’échange. 

Comment concevez-vous vos œuvres et à qui sont-elles destinées ?

Je crée pour les gens, pour les amateurs de design, les chefs, les consommateurs privés. Mon postulat est que le design doit être d’un grand esthétisme, une beauté ! Il a donc été logique pour certaines institutions de présenter ce travail parmi les collections de musées et les expositions internationales et de les rendre ainsi accessibles au grand public.

En même temps, mes services doivent également être très fonctionnels, concernant par exemple le glissement d’une cuillère sur un plat :  quelle est la nature de l’émail ? Quel est le bruit produit par l’utilisation des couverts ? Comment va-t-on saisir de façon naturelle le plat à table et hors de table ? Mes rencontres avec les grands chefs et la compréhension de leurs souhaits et besoins sont les éléments déclencheurs de la création d’objets, qui deviendront plus tard des pièces signatures pour ma marque Hering Berlin.

Série “Evolution”

Je parcours le monde les yeux ouverts et trouve l’inspiration partout, dans le design, l’art, la mode, la nature. Mais aussi dans l’évolution de la société, dans nos modes de vie, dans notre rapport au monde et à ses ressources – donc surtout dans les matériaux naturels avec lesquels je travaille. Qu’il s’agisse de verre ou de porcelaine…. Je laisse le matériau respirer, je ne lui impose pas de forme. Il faut vraiment connaître son matériau pour pouvoir l’utiliser de manière expérimentale. C’est la seule façon de créer quelque chose de nouveau, un design organique qui n’est pas marqué par le temps. Au fond, mon design est celui de créations que je n’ai trouvées nulle part. Celles qui m’ont toujours manqué.

Comment faites-vous évoluer votre démarche au fil des années ?

En général, je repousse les limites des matériaux avec lesquels je travaille. C’est ainsi que je suis passée du design en porcelaine à l’art en porcelaine. La collaboration avec le Goethe-Institut, avec lequel nous avons réalisé une tournée d’exposition de mes pièces en terre cuite de Ratchaburi, a certainement été une étape importante. Il s’agit d’une édition d’art de grands récipients que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans cette qualité et cette taille.

Oeuvres réalisées en collaboration avec le Goethe-Institut

Il en va de même pour le verre : une nouvelle voie ! Outre mes collections de verres et de carafes, je développe aujourd’hui des luminaires. Je suis passée de la table à l’architecture par exemple avec la série de lustres en verre Ray Dance. Je mélange les pratiques du design, de l’architecture et de l’art – et parfois aussi les domaines habituels d’usage des matériaux. La porcelaine dans l’art ? Cela existe encore trop peu.

heringberlin.com

Propos recueillis par Amélie Cabon 
Images : Hering Berlin
Stefanie Hering sous le lustre Ray Dance