Au contraire de Don Juan auquel on l’assimile parfois à tort, Giacomo Casanova n’est pas une invention d’auteur mais un personnage de chair qui a traversé le XVIIIe siècle et l’Europe et a fait de sa vie un roman d’aventures.
Des aventures aussi invraisemblables que véridiques, tendues vers un seul but : rencontrer le bonheur en goûtant à tous les plaisirs. C’est que ce fils de comédiens a ouvert les yeux en 1725 dans une Venise brillante et frivole, ville de la fête et du raffinement, où il acquiert peu à peu les armes de la séduction : élégance, érudition, esprit, éloquence. Elles sont indispensables à celui qui, n’étant pas de haut parage, veut s’inviter à la table des puissants et se faire aimer des femmes. Parce que la légende dit vrai : Casanova est un tombeur. En a-t-il réellement conquis plus de 120 ? Personne n’a tenu la chandelle. « J’ai aimé les femmes à la folie, confesse-t-il, mais je leur ai toujours préféré ma liberté. »
Bonnes fortunes
Il en est des lieux de vie et des positions comme des femmes : impossible pour lui de se fixer. Il quitte Venise et la retrouve maintes fois, court le vieux continent, remplit toutes sortes d’offices. Après avoir failli rentrer dans les ordres et embrassé la carrière militaire, il sera violoniste, joueur professionnel, alchimiste, diplomate, bibliothécaire… Prendre la route pour lui, c’est partir en quête de bonnes fortunes : un emploi, un protecteur, une intrigue galante. C’est aussi fuir parfois, quand notre aventurier s’est fait tricheur, espion, escroc, duelliste ou kidnappeur. Sans toujours réussir à éviter les geôles… mais sachant au besoin s’en échapper. Enfermé à la prison vénitienne des Plombs, il restera à jamais le seul à avoir pu s’en évader. Comment ? En parvenant à percer le plafond qui mène au toit et à redescendre par une lucarne dans le palais où il dégote un habit qui lui donne l’allure d’un gentilhomme et lui permet de franchir la porte de sortie, la bouche en cœur.
Champagne !
« Cultiver les plaisirs de mes sens fut toute ma vie ma principale affaire. » Sensible aux plaisirs de la chair, Casanova l’est aussi aux plaisirs de la chère. Le champagne est souvent sur sa table. Convaincu que partager les plaisirs les augmente, il aime à régaler ses ami(e)s, comme à ce repas de 24 couverts qu’il donne à Brühl : « Les huîtres ne finirent qu’à la vingtième bouteille de champagne, de sorte que lorsque le déjeuner commença, toute la compagnie commençait à parler ensemble. Ce déjeuner aurait pu passer pour un dîner superbe et je remarquai avec grand plaisir qu’il ne s’y but pas une goutte d’eau (…) »
Un Casanova très people
S’il avait eu accès aux technologies d’aujourd’hui, Casanova aurait pu tenir un blog de voyages en livrant ses bonnes adresses de Venise à Paris, de Rome à Londres, de Prague à Madrid, de Saint-Pétersbourg à Amsterdam, de Vienne à Constantinople ; faire des selfies avec Rousseau, Voltaire, Frédéric II de Prusse, l’impératrice de Russie ou le pape Benoît XIV ; poster des stories sur Insta, du genre « le jour où j’ai soufflé l’idée d’une loterie à l’oreille de Louis XV » ; écrire finalement ses mémoires. Ah mais, d’ailleurs c’est bien ce qu’il fait sur ses vieux jours, en langue française, sous le titre Histoire de ma vie, dans lesquels il dit l’essentiel, sans fard, sans honte et non sans talent. Indélébile, le souvenir de Casanova, homme libre, jouisseur et cultivé, continue d’imprégner la Sérénissime.