Cheffe Fleuriste de l’un des plus prestigieux palaces parisiens, The Peninsula Paris, Chloé Poitevin œuvre quotidiennement à la majesté de cet établissement majestueux. Rares sont les établissements hôteliers disposant de leur propre chef fleuriste. Elle partage avec nous son quotidien et les clés de cet art éphémère, symbole du luxe et de l’art de vivre à la française
Quel a été votre parcours ?
J’ai fait des études générales jusqu’à l’université pour finalement me diriger vers un CAP et un brevet professionnel de fleuriste. Cette maîtrise en cinq ans m’a enseigné les techniques de base et des maîtrises plus complexes comme la gestion ou le management qui me permettent aujourd’hui de gérer un service comme celui de l’hôtel The Peninsula Paris. Au cours de mes années d’apprentissage, j’ai participé à de nombreux concours de fleuristes qui ont été l’occasion de rencontrer l’excellence des fleuristes notamment lors du concours de la Piverdière à Angers que j’ai remporté. J’ai travaillé en 2015 avec un Meilleur Ouvrier de France qui m’a permis de découvrir le travail des hôtels parisiens. Depuis 2022, je suis employée à plein temps pour le Peninsula en tant que cheffe fleuriste.
Pouvez-vous nous raconter en quoi consiste le métier de fleuriste dans le cadre d’un palace ?
Dans notre métier, il y a les fleuristes en boutique qui travaillent dans l’instant. À la demande d’un client, ils doivent réaliser un bouquet rapidement et dans un budget limité. Dans le cadre d’un palace tel que The Peninsula Paris, nous sommes au service de l’hôtel. Nous devons trouver le moyen de faire en sorte que le palace soit le plus bel établissement possible. Nous ne sommes pas contraints par une demande client, nous sommes au service d’un lieu et de ses événements. Je suis en contact quotidiennement avec le service de Housekeeping et le service commercial. Notre métier est de surprendre le client, nous adaptons donc la décoration en fonction des goûts de chacun ou nous accordons avec les campagnes en cours. Au mois d’octobre par exemple, nous travaillons exceptionnellement des fleurs roses en écho au soutien de l’Hôtel à une association engagée dans la lutte contre le cancer du sein.
Y a-t-il de grandes lignes esthétiques à suivre pour préserver l’identité du Peninsula Paris ?
L’hôtel The Peninsula Paris est un établissement d’architecture haussmannienne du XIXe siècle. Dans ce bâtiment empreint d’histoire on ne peut faire des choses exubérantes. Nous avons fait le choix d’une décoration intégrée qui se fond dans cette architecture épurée aux lignées très marquées. Nous travaillons à 90 % de la rose blanche, tel que défini par les directives du siège. Nous sommes dans des camaïeux de couleurs naturelles et des formes relativement classiques. Nos bouquets opulents et généreux se fondent dans l’espace. Le mot d’ordre est l’élégance : des fleurs très épurées et des jeux de transparence. Il est nécessaire d’être reconnaissable aussi.
Comment vous organisez-vous avec votre équipe ? Et comment ne pas être répétitif dans vos créations ?
Nous sommes une équipe de cinq fleuristes dont une apprentie. J’ai pris le parti de constituer une équipe qui soit polyvalente sur tout l’espace. L’hôtel est très grand, mais chacune – parce que nous ne sommes que de femmes – est capable de répondre aux besoins de chaque endroit. Cela nous permet de parer aux éventuelles absences, d’être autonome. Lors d’une nouvelle arrivée, il est capital de comprendre et de s’imprégner de cet espace immense constitué de 200 chambres. Comprendre et s’en imprégner pour ne rien oublier, y compris dans les toilettes, n’oublier aucune fleur fanée. La rigueur et le luxe sont clés. Ce n’est qu’à la fin de la journée, lorsque chaque espace est magnifié, que l’on commence nos productions pour le lendemain.
Cette organisation permet également de ne pas retrouver le même style de bouquet à chaque fois. C’est intéressant d’observer comme chacune traduit l’ambiance d’un lieu de manière différente à travers ses bouquets. Travailler en palace, et particulièrement au Peninsula, c’est avoir le goût des bouquets élégants. On pourrait se sentir limité par le style de l’établissement mais quand on vient travailler ici on recherche des choses élégantes, on n’est pas à la recherche d’excentricité. Quand on aime cela, on ne peut s’en lasser. Pour autant les possibilités sont très diverses dans leur mise en place. Chaque occasion, chaque saison, permet de travailler une multitude de choses et de proposer des compostions différentes chaque semaine. Les fleurs changent en fonction du style de la pièce, des saisons ou des thèmes au restaurant. Nous avons eu des pivoines au printemps, nous aurons des amaryllis pour cet hiver. On évite que ce soit figé. Nous privilégions les fleurs de saison et évitons de travailler en dehors de l’Europe pour minimiser notre impact environnemental.
Pour vous, qu’est-ce qu’apporte la fleur à un palace ?
C’est la dernière touche. C’est ce qui en fait le luxe. La fleur est la dernière touche d’élégance et de raffinement. Par son aspect éphémère, elle permet de faire vivre l’espace et de surprendre quotidiennement la clientèle. L’art floral est la signature de la décoration et de l’atmosphère. Seul parfum de l’établissement, il joue avec les sens des clients et prodigue une identité et un souvenir qui sera rattaché au Peninsula.