Amoureuse des textures et terrienne dans l’âme, Lison de Caunes a fait sienne une matière venue des champs, la paille de seigle. Une passion héritée de son grand-père, le décorateur André Groult, qui dans les années 20 apporta ses lettres de noblesse à la marqueterie de paille – une discipline remontant au XVIIème siècle. À l’image de son aïeul, Lison de Caunes a elle aussi participé au renouveau de ce savoir-faire tombé dans l’oubli après la période Art Déco.
Baignée depuis le plus jeune âge dans un univers empreint des créations de son grand-père, Lison de Caunes s’est naturellement prise d’affection pour la marqueterie de paille. Voulant s’y consacrer bien qu’aucune école ne l’enseignait encore, c’est en autodidacte qu’elle va apprendre son métier.
À mesure qu’elle « désosse » les modèles d’André Groult, elle en comprend le processus de fabrication et commence, dès 1980, à restaurer les objets en marqueterie de paille que lui confient antiquaires et collectionneurs.
En 1996, Lison de Caunes est nommée Maître d’Art, un titre décerné aux artisans qui possèdent un savoir-faire rare et qui s’engagent à le transmettre à un élève. « Ça a marqué un tournant pour moi. Ma matière allait avoir un avenir puisque j’allais pouvoir la transmettre. »
Cette matière, Lison de Caunes a voulu en repousser les limites ; après vingt premières années consacrées à la restauration, elle se lance dans la création. Elle collabore alors avec de célèbres architectes tels que Peter Marino – sa première commande Outre-Atlantique – et de grandes maisons de luxe. Rien depuis n’a mis fin à son élan créatif : « Quand on me propose un projet, je dis toujours oui ; même si le projet semble fou et que je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre. »
Lison de Caunes trouve l’essentiel de son matériau chez un céréalier Bourguignon qui cultive, récolte, sèche et teinte la paille de seigle. Arrivées en atelier, les tiges sont fendues en deux dans le sens de la longueur et lissées jusqu’à l’obtention de rubans souples. Le principe de toute marqueterie étant un placage de matière bord à bord, ces rubans sont ensuite encollés et aplatis au plioir sur le support à tapisser, sans superposition.
Paradoxe de la vie, c’est parce que Lison de Caunes a remis dans la lumière cet artisanat, qu’elle fait aujourd’hui face à une forte concurrence dont elle doit émerger. Alors elle innove. Elle développe de nouvelles couleurs avec des chimistes, envisage de nouvelles associations de matériaux (métal, nacre, verre…) et de nouveaux motifs. « C’est un challenge perpétuel pour rendre la marqueterie de paille contemporaine. Je veux montrer qu’elle n’est pas figée dans l’Art Déco. J’admire beaucoup les restaurateurs qui ne se cantonnent pas à la répétition éternelle du geste mais qui au contraire, inventent avec leur matière, élargissent leur métier par la création. »
Occupant un marché de niche, Lison de Caunes récolte les fruits de son labeur depuis une quinzaine d’années seulement. « Ces métiers demandent beaucoup de patience. Il faut du temps pour se faire connaître et nourrir continuellement les architectes avec de nouvelles propositions. »
Pour elle, la patience est venue avec la passion : « Ce que j’aime en marqueterie, c’est la qualité qu’a la paille d’accrocher la lumière. J’essaie tout le temps de jouer là-dessus. Et j’adore l’idée que d’un produit très humble – la paille de seigle qu’on va juste récolter, sécher puis ensuite couper en deux – on arrive à faire quelque chose de luxueux, d’une brillance naturelle, sans apport de vernis. C’est très direct comme transformation, il y a juste la main de l’artisan qui parvient à sublimer avec peu de choses, ce matériau très pauvre. »
Animée par cette matière dont elle extrait toute la poésie, Lison de Caunes fut récompensée par les plus prestigieuses distinctions puisque la Maître d’Art est également Membre des Grands Ateliers de France, Membre des Entreprises du Patrimoine Vivant et Chevalière de la Légion d’Honneur.
Situés au cœur du 6ème arrondissement de Paris, les ateliers de Lison de Caunes comptent aujourd’hui dix employés. Une main-d’œuvre précieuse pour la créatrice qui doit satisfaire de nombreux projets parmi lesquels, le développement de sa ligne de mobilier contemporain, Lison de Caunes Créations.
Texte : Ambre Allart
lisondecaunes.com
@atelierslisondecaunes
Stages ouverts à tous, proposés un weekend par mois