Comme les formes de nuages, il y a de nombreuses pluies. La violente, la drue, la fine, la régulière, la tournoyante, l’oblique qui pénètre, la verticale qui assomme, celle à grosses gouttes qui explosent, celle à fines gouttes qui suintent, la ploc-ploc qui cogne contre la bassine en métal, la plic-ploc qui sort de la gouttière fatiguée. Il y a aussi la très fine comme en suspension, dans ce cas, dans les Ardennes, on dit, il mousine. Ce voile de pluie est une bénédiction pour les jardins en manque d’eau après les journées chaudes de juillet.

Chaque feuillage, chaque fleur, chaque arbre semble s’ouvrir pour accueillir l’eau régénératrice. Nous-mêmes, sommes attirés, et nous voilà partis pour la cueillette des mûres, mirabelles, ou même quelques dernières groseilles. La pluie adhère au poncho, les pieds dans les tongs prennent plaisir à fouler le sol qui se gorge d’eau. Les parfums des roses exhalent, doux ou poivré, aucun ne se ressemble. La terre embaume : herbes, fruits qui se gâtent au sol, fenouil sauvage, laurier, le nez du jardinier est sans cesse convoqué.

Le plein soleil ne cesse de nous nourrir, la clarté du ciel ouvre nos esprits et l’ardent soleil nourrit notre corps. Ce temps de pluie, que l’on sait indispensable à la vie, nous plonge lui aussi dans une expérience de vacances, ce temps où nous habitons le temps sans contraintes. La déambulation sous les arbres fruitiers devient un moment sensuel, une approche charnelle de l’eau et de la terre. Elle fait aussi affleurer des souvenirs d’enfants joueurs, elle fait se remémorer le plaisir de patauger, d’éclabousser, de rire de la pluie qui surprend, de s’en foutre des chaussures et des vêtements, entrave aux joies de la pluie qui ruisselle sur les corps.


Quand donc la météo cessera-t-elle de considérer la pluie comme une avanie ? Quand la pluie sera-t-elle enfin débarrassée de son image de « mauvais temps » ? La pluie est la vie. Réjouissons-nous comme les hirondelles qui piaillent, tournent et s’engouffrent dans les trous minuscules des murs accueillants, elles ont fait le plein d’insectes qui se sont nourris des bienfaits de la pluie, leurs petits seront bien portants.


Et s’il n’y a pas la pluie, que devient le plaisir de voir les nuages s’éclaircir lentement, que devient l’émerveillement de constater que notre rétine réajuste son ouverture à la quantité de lumière qui revient ? Car le soleil revient, inévitablement. Les cieux s’entrouvrent, la nature régénérée est resplendissante, partons pour la promenade, l’herbe des prairies, les hautes forêts vont nous accueillir dans un délire de parfums qui va nous émoustiller.

Photo : Benoît Pelletier