L’an dernier, les étudiants du Master en design culinaire de l’ESAD Reims coordonné par Germain Bourré, avaient surpris les chefs qui concourraient pour le Prix ArsNova (anciennement « Le Taittinger ») en exposant leurs travaux autour des deux produits phare du concours : le homard et le lieu jaune. Cette année, le fonds de dotation Philanthropic ArsNova – initié par la Maison Taittinger –, et l’ESAD ont souhaité réitérer cette opération qui permet de mettre en lumière auprès des chefs en lice le travail époustouflant de créativité de ces étudiants. C’est donc la canette, femelle du canard et produit thématique du Prix ArsNova 2025, qu’ils ont abordée cette année.
C’est une approche audacieuse et sensible qu’ont adoptée les étudiants du Master en design culinaire de l’ESAD Reims pour explorer le thème du Prix ArsNova 2025 : la canette. Cette exposition, fruit d’un travail mêlant recherche, expérimentation et savoir-faire acquis au cours du Master, illustre la richesse des regards portés sur cet animal à travers des prismes à la fois artistiques, scientifiques et gastronomiques.
De la Bresse, où ils ont découvert l’animal dans son environnement, jusqu’aux cuisines où ils ont exploré ses usages culinaires, les étudiants ont élaboré des projets traduisant leur perception du canard et de son rôle dans notre alimentation.
De la canette dans son environnement à la canette produit des gastronomes
Si certains se sont concentrés sur la canette en tant que produit comestible, d’autres ont cherché au contraire à l’inscrire dans son cadre naturel et son mode de vie. C’est le cas d’Alicia Lacourt avec « L’Envol » qui à travers une « aile de dégustation » élaborée à partir d’aliments de différentes saisons, retrace gustativement la progression migratoire des canards sauvages.

C’est le cas aussi de Delphine Daumerie qui a imaginé un nid représentant les multiples environnements de la canette dans le but de « remettre son animalité au centre de la table », ou encore d’Eva Chevalier qui propose dans « Vol en V » une interprétation gastronomique du vol synchronisé des canards. Sept bouchées distinctes, chacune consacrée à une partie spécifique de l’animal – foie, cœur, gésier, cuisse, ailes, peau et magret –, racontent la dynamique de ce vol organisé.
Jetant des ponts entre l’animal vivant, le produit gastronomique et l’artisanat, Florian Pillard avec « Laquages » fait dialoguer la recette du canard laqué avec la laque artisanale. Ces deux techniques mettent en valeur un produit grâce au pouvoir de conservation et de brillance de la laque. Le soin apporté parle naturellement du respect du produit. Des motifs végétaux issus du milieu de vie du canard s’intègrent dans le laquage comme pour honorer l’animal, rappeler son existence avant d’être transformé.
Une réflexion sur l’éthique
Honorer l’animal, c’est aussi le parti pris par Emile Levrey qui a conçu deux travaux dont un objet se situant à la frontière entre la poubelle de table et l’objet de culte. Les restes du canard que l’on vient de découper ou de déguster sont destinés à être placés à l’intérieur de cet objet encerclé de bougies afin d’en extraire l’ultime essence. Ces questions éthiques et philosophiques font partie intégrante de la démarche des jeunes étudiants en Master de design culinaire. Le titre du projet de Clara Lenik, « Gène-éthique », en est l’illustration même. Son œuvre photographique interroge l’hybridation et les liens entre la science et la cuisine. Cette approche invite à repenser la manière dont nous transformons et sélectionnons les espèces pour la consommation humaine.
À travers cette exposition offerte aux yeux des chefs en lice pour le Prix ArsNova 2025, les étudiants en Master à l’ESAD Reims ont montré une fois encore que le design culinaire ne se résume pas à la simple création d’objets ou de mets. C’est un espace de liberté et d’expérimentation qui peut servir d’outil de réflexion sur notre rapport au vivant, notre consommation et nos traditions. Les expositions organisées désormais chaque année autour de la thématique du Prix ArsNova nous invitent à prendre conscience, avec force, que la gastronomie est aussi une histoire de regard sur le monde.

“L’envol” d’Alicia Lacourt et “Ilmatar et la cane” de Jacomen Naïs