Cet été, la Maison Taittinger ouvre en grand ses portes ! Entièrement repensé pour une meilleure expérience, vous découvrirez le nouveau visage de son site historique de la colline Saint-Nicaise à Reims. Véritable cœur battant des activités de la Maison, Saint-Nicaise est LE lieu pour découvrir, visiter et déguster l’univers Taittinger.
Afin d’accompagner cette réouverture, nous vous racontons ici, en plusieurs épisodes, son histoire et ce qui le relie à la famille Taittinger.
Les crayères, matrices des grands champagnes
Taittinger figure parmi les sept grandes maisons historiques à posséder encore des crayères sur la butte Saint-Nicaise à Reims, aujourd’hui inscrites par l’UNESCO au patrimoine mondial au même titre que la pyramide de Khéops ou Notre Dame de Paris. Un héritage d’autant plus choyé qu’il est une composante non négligeable de la qualité de ses champagnes.
En dehors de la Champagne, les carrières de pierre, comme le souligne le spécialiste Philippe Tourtebatte, sont en général davantage considérées du point de vue des risques qu’elles peuvent engendrer qu’en termes de « patrimoine ». Pourtant, lorsque l’on se perd dans les méandres des crayères champenoises, véritables cathédrales souterraines, on est transporté hors du temps, dans un monde mystérieux, presqu’onirique. Et si cet univers a pu être dévoilé au grand public, on le doit aux maisons de Champagne qui les sauvèrent de l’abandon et de l’oubli au XIXe siècle lorsqu’elles décidèrent de les réutiliser pour le vieillissement de leur vin.
D’où proviennent-elles ? Il y a de cela 80 millions d’années, la Champagne était une mer chaude et peu profonde. Les micro-organismes marins s’y accumulaient formant une épaisse boue qui une fois les eaux retirées s’est desséchée pour former la craie, un calcaire poreux, tendre et très pur composé à plus de 90 % de carbonate de calcium. C’est elle, surtout dans les grands crus lorsqu’elle est affleurante, qui donne au champagne sa finesse, sa légèreté et sa minéralité. Elle constitue aussi un magnifique outil de régulation hydrique. Véritable éponge, elle essuie très rapidement l’humidité pendant les pluies, et à l’inverse, pendant les canicules, elle fait remonter par capillarité l’eau stockée dans les profondeurs, faisant souvent des vignes les seules taches vertes du paysage champenois aux mois de juillet-août.
Dès l’époque gallo-romaine, mais surtout au Moyen Âge, la craie fut extraite de la butte Saint-Nicaise pour la construction de la ville de Reims. D’abord pour constituer des blocs de pierre, les fameux carreaux de craie qui forment les murs de beaucoup de maisons rémoises. On notera cependant qu’ils étaient rarement employés pour les bâtiments officiels car la craie est sensible à l’humidité et reste un matériau de construction peu qualitatif. Ainsi, on a préféré la pierre de Courville pour édifier la Cathédrale. Un autre usage était de la calciner pour produire de la chaux qui servait de mortier. C’est d’ailleurs l’invention du ciment de Portland au début du XIXe siècle qui contribua à la fin de l’exploitation de ces carrières. Notons enfin que la chaux était utilisée pour différents traitements dans l’industrie du textile, première activité économique de la ville de Reims jusqu’au début du XXe siècle. En tout, ce ne sont pas moins de 2000 « essorts » disséminés sur 100 hectares qui ont été creusés dans la Butte Saint-Nicaise. Ces fameuses cheminées pyramidales plongent parfois jusqu’à 40 mètres de profondeur pour atteindre la partie plus monolithique et plus homogène de la craie, en surface davantage concassée par l’érosion. De là partent ensuite les galeries d’extraction.
Qu’est-ce qui a poussé les maisons de Champagne à utiliser ces crayères pour le vieillissement de leur vin ? D’abord la température idéale et stable toute l’année, celle-ci tournant en général autour de 11 degrés et permettant des secondes fermentations lentes, puis une bonne conservation des vins. À l’heure où de plus en plus de bâtiments climatisés sont construits pour le même usage, les crayères offrent un bilan carbone imbattable ! Il faut aussi se rappeler que les négociants ont mis longtemps à maîtriser la prise de mousse et que les taux de casse étaient souvent très élevés. Les crayères fournissaient alors un formidable outil de régulation. Il suffit pour cela de lire les traités du XIXe siècle du chimiste rémois Edme Jules Maumené. Quand des bouteilles explosaient, le vin qui fermentait à l’air libre faisait rapidement augmenter la température du caveau accélérant encore la fermentation des autres bouteilles qui risquaient elles aussi d’exploser. On déversait des seaux d’eau glacée pour évacuer le vin répandu et refroidir les bouteilles encore intactes. Dans le même objectif, on ouvrait les essorts pour créer des courants d’air. En recourant à l’aphromètre, invention de Maumené qui permet de connaître la pression à l’intérieur des bouteilles, on pouvait également anticiper ces situations en déplaçant les bouteilles qui flirtaient avec les 8 atmosphères vers des galeries plus profondes, où la température inférieure à 9 degrés était susceptible d’interrompre la fermentation. Ces péripéties appartiennent bien-sûr à l’histoire, les Champenois ayant depuis dompté scientifiquement la conduite du vin du Diable. Il n’en demeure pas moins que les crayères demeurent un cadre inspirant pour ceux qui élaborent les vins. Nul doute que leur beauté suscite la passion et l’envie de produire le meilleur !
