Jusqu’au 17 septembre prochain, le musée des Arts décoratifs de Paris présente une exposition insolite consacrée à l’histoire des cheveux et des poils dans le monde occidental. À travers plus de 600 œuvres, le parcours montre comment coiffure et pilosité participent depuis des siècles à la construction des apparences.
Quel est le point commun entre une huile flamande du XVIIe siècle représentant la reine Elisabeth Stuart, L’Origine du monde de Courbet et une photographie de Pierre et Gilles ? Ces œuvres nous parlent de nos cheveux et de nos poils et comment la coiffure et le soin apporté à la pilosité participent à la mise en scène de soi dans la société occidentale.
Après « La Mécanique des dessous » (2013), « Tenue correcte exigée ! » (2017) et « Marche et démarche » (2019), le musée des Arts décoratifs poursuit ainsi son exploration de la mode et de la représentation du corps avec ce quatrième volet aussi surprenant qu’original.
Réunissant plus de 600 œuvres et objets datant du XVe siècle à nos jours, cette rétrospective se divise en cinq actes. Un parcours foisonnant permettant d’interroger à travers le temps le statut du poil et du cheveu, tantôt animal et sauvage, tantôt dompté et discipliné.
Évolution des modes et des mœurs
La première partie de l’exposition est historique avec l’étude de l’évolution de la coiffure féminine. Des tableaux de l’époque médiévale rappellent que le port du voile s’est imposé aux femmes jusqu’au XVe siècle avant de laisser place à des coiffures extravagantes sans cesse renouvelées. Les peintures d’époque révèlent ainsi les coiffures à « l’hurluberlu » et « à la Fontange » d’après le nom de la favorite de Louis XIV puis les hautes constructions capillaires dites « pouf » ou encore les coiffures « à la girafe » et en tire-bouchons en vogue au XIXe siècle.
Des coiffures féminines alambiquées aux perruques des drag-queens de Drag Race UK, de la barbe tantôt symbole de virilité, tantôt proscrite à la cour, tantôt signe distinctif des hipsters, c’est l’évolution des modes, des perceptions, des mœurs et des sociétés qui est donnée à voir. Dans cette traversée, on écoute Ginette Garcin nous chanter l’amour des poils, tout en découvrant tableaux, sculptures, rasoirs, fers à friser, peignes, perruques et autres fixe-moustaches, mais aussi des affiches publicitaires et des images d’archives.
Outre les vogues et leurs extravagances, sont abordées les dimensions symboliques du cheveu et diverses pratiques, comme le fait de cacher, d’enlever ou d’exhiber ses poils. La pilosité est rare, voire absente de la peinture ancienne. Le corps glabre est synonyme de corps antique et idéalisé, alors que le corps velu est associé à la virilité. Vers 1910-1920, lorsque les corps féminins se découvrent, les réclames dans les magazines vantent les mérites des crèmes dépilatoires et des tondeuses pour les éliminer.
Les cheveux, vecteur de créativité et de contestation
L’exposition met également en lumière les différents métiers et savoir-faire d’hier et d’aujourd’hui. L’occasion de retracer le parcours des grandes figures de la coiffure : Léonard Autier, le coiffeur favori de Marie-Antoinette, les sœurs Carita, Alexandre de Paris coiffant princesses et célébrités ou, de nos jours, les coiffeurs stars de studio dont l’incroyable créativité s’exprime lors des défilés de haute couture.
Une section consacrée aux cheveux dans la mode permet aussi d’évoquer les coiffures iconiques du XXe : de la coupe à la garçonne des années 1920 à la crête iroquoise des punks, en passant par les cheveux permanentés et crantés ou la choucroute des années 1960, les cheveux véhiculent un message, l’adhésion à une mode mais aussi un vecteur de libération ou de revendication. Enfin, à la fin du parcours, quelques créateurs choisissent de transcender la matière cheveu en objets de mode singulier, à l’image de la veste-perruque de Martin Margiela en hommage à Sonia Rykiel ou la spectaculaire perruque Black Lips conçue par Charlie Le Mindu pour Lady Gaga.
C’est par un retour à la réalité que l’exposition s’achève. Sur l’ultime pan de mur, elle rappelle que les femmes iraniennes qui manifestent contre le régime islamiste au pouvoir recourent au symbole de la mèche de cheveu coupée. On commence le parcours avec le voile imposé aux femmes durant toute l’époque médiévale et on finit par ce qui se passe en Iran, preuve que les enjeux autour des cheveux dépassent le phénomène de mode. La boucle est bouclée…
Le musée des Arts décoratifs en quelques mots (MAD Paris)
Au cœur de Paris, dans le palais du Louvre, le musée des Arts décoratifs abrite l’une des plus riches collections d’arts décoratifs au monde. Depuis quelques années, le vénérable musée est aussi devenu l’une des institutions parisiennes les plus courues grâce au succès de ses expositions temporaires, dédiées à la mode et au design. De « Dior » à « Schiaparelli », des « Années 80 » à l’audacieuse exposition sur les cheveux et les poils, le MAD ne cesse de créer l’événement. Un dynamisme accompagné par la Maison Taittinger, partenaire de l’institution, qui soutient les actions du musée pour enrichir et valoriser ses collections, promouvoir la création mais aussi concrétiser l’ensemble de ses projets culturels et éducatifs.