Depuis deux ans, la Maison Taittinger sollicite régulièrement David Picchiottino pour créer des séries qui alimentent le compte Instagram de la marque. Focus sur l’écriture artistique de ce photographe.
Avoir des idées et savoir les réaliser. Issu d’une formation en art appliqué, à l’ESAG Penninghen à Paris, David Picchiottino est tout d’abord formé comme directeur artistique, capable de toucher à tout, il est au carrefour de la création. Attiré par la photographie, il va en faire l’objet de sa thèse de fin d’études avant de glisser petit à petit vers l’univers de la mode où il s’épanouit professionnellement. Dans son travail personnel, on reconnaît cette même écriture, cette façon de travailler, mais il s’y octroie une plus grande liberté. Ses clichés sont le fruit de voyages, d’expériences solitaires et contemplatives, définitivement inspirés pas sa formation classique en art, par la peinture et toutes les références de sa jeunesse.





Un quotidien plus loin
Sac à dos et itinéraire en main, David Picchiottino à l’habitude de partir à l’aventure. Seul pendant un mois ou plus, il se balade à travers le monde. Ces voyages ont débuté pour l’accompagner dans sa quête d’inspiration, avant de voir le processus s’inverser. C’est désormais le voyage le moteur de sa décision et non plus la photographie. Le but est de s’en aller sans idée fixe. Il part pour partir, et en fonction de sa destination les images suivent, car comme il le dit « je préfère ne pas savoir ce qui m’attend ». Baroudeur, mais prévoyant, l’artiste prend soin d’organiser son périple au détail près, pour n’avoir sur place qu’à profiter de son expérience, l’esprit léger. Il va alors errer sur les routes et savourer son quotidien. « La photo permet de représenter ce que je vois. Ce qui m’intéresse c’est la réalité, la beauté du quotidien, la beauté du rien. Ces moments de grâce qu’on arrive parfois à capter », nous dit-il. Un quotidien qui rime avec lointain, car celui-ci doit être suffisamment nouveau et exotique pour lui stimuler la rétine. La solitude lui est précieuse, autant d’un point de vue personnel qu’artistique. Elle lui permet de se concentrer sur son ressenti, laissant tous ses sens se mettre en éveil. David Picchiottino est alors une véritable éponge, un récepteur de son environnement. Tristesse ou mélancolie peuvent s’entremêler à cette volonté de s’exiler, mais elles sont des matières brutes pour sa création et se reflètent dans ses photographies.




Des Flamands du XVIe siècle, à la pop culture des US
Par ses études, l’œil de David Picchiottino est formé à l’art classique. Ces photos ont cet aspect très pictural, directement influencées par les peintres. On y retrouve la solitude des maîtres flamands puis nordiques comme Hammershoi ou la mélancolie d’Edward Hopper. « J’aurais bien aimé faire de la peinture, mais je n’ai ni le niveau ni le temps », nous confie l’artiste. La photographie lui permet alors de s’en approcher en jouant sur la palette chromatique.
Bercé par la culture américaine dans sa jeunesse, les films, séries et musiques ont aussi conditionné son imaginaire. On retrouve toute une dimension cinématographique dans ses compositions et sa lumière. « L’instant décisif » ne suffit pas pour lui à faire la photo, il faut absolument qu’il y ait la lumière nécessaire afin de pouvoir mettre une partie de ce que l’on ressent dans la photographie. Il se refuse à mettre en scène ses images et nous explique : « Ce qui m’intéresse c’est de ne pas tricher, de ne pas ajouter des éléments perturbateurs pour rendre l’image intéressante. » Il laisse le paysage parler de lui-même et permet au spectateur d’y apposer sa propre histoire en s’attardant sur chaque détail.




Dans les années 1970, les photographes utilisent de plus en plus la couleur pour représenter la banalité, le quotidien, et délaisse le noir et blanc qui prônait dans la photo d’art. « C’est l’explosion ! » clame-t-il. William Eggleston et Stephen Shore sont une révélation pour lui, et David Picchiottino en fait une inspiration de premier plan. Plus tôt, au début des années 1900, le photographe Edward Sheriff Curtis réalisa une série sur les Indiens d’Amérique dont se dégage une démarche presque anthropologique. Une ligne directrice que suit aujourd’hui David Picchiottino à travers ses paysages, mais avec l’ambition de réaliser à son tour des portraits par la suite.



