Les vendanges 2022 auront représenté pour la Champagne une année exceptionnelle, tant en termes de qualité – avec des fruits à maturité –, que de quantité. 
Christelle Rinville, directrice du vignoble de la Maison Taittinger, nous en dit plus sur la récolte de l’année et l’activité de pressurage.   

Qu’est-ce qui explique la qualité exceptionnelle du raisin cette année ? 

Cela s’explique par la particularité climatique de l’année : ensoleillement (quel que soit le mois de l’année, le nombre d’heures d’insolation journalier a été supérieur aux normales mensuelles – en juillet en particulier) et peu de pluie. Mais aussi, un état sanitaire parfait, des vignes qui ont bien résisté aux conditions climatiques : la vigne a supporté la période de gel de printemps (8% de pertes en moyenne sur le vignoble champenois versus 30% en 2021 et plus spécifiquement pour nous, sur nos vignobles d’Essoyes et de Sézanne) ; elle a surtout parfaitement supporté les périodes de fortes chaleurs de juillet et août. Malgré les nombreux jours au-dessus de 40°C, les dégâts d’échaudage (raisins brûlés par le soleil) sont restés limités. Le feuillage est resté vert durant toute la campagne avec une pousse relativement limitée du fait des chaleurs.

La qualité de la vendange vient aussi du travail réalisé durant l’année et des préparatifs vendanges (réseaux maturation) pour déterminer des départs de cueillette précis. Nous n’avons pas hésité à patienter pour débuter nos cueillettes ; même si le taux de sucre était satisfaisant, nous sommes allés chercher une belle expression aromatique des baies. La cueillette des meuniers a commencé à partir du 30 août ; pour les pinots et les chardonnays, les cueillettes ont démarré à partir du premier weekend de septembre.

En quoi un raisin ayant ces caractéristiques, va avoir une influence positive sur la qualité du vin ? 

À partir du moment où l’année viticole a été favorable et la vigne a bien résisté aux fortes chaleurs et à la sécheresse, que les dates de cueillette nous permettent de vendanger des raisins les plus sains possible avec de belles expressions aromatiques, tout concorde. Les raisins exprimeront au mieux les terroirs parce que la vigne aura été en équilibre toute l’année pour aller chercher, grâce à son système racinaire, tous les éléments minéraux et acides aminés du sol. 

Chaque cru correspond à une couleur dans la palette du peintre, c’est au chef de caves de choisir ensuite les assemblages, c’est-à-dire les meilleurs couleurs pour faire son tableau. Quand les couleurs sont belles, les choix variés qualitativement, cela présage pour Alexandre Ponnavoy notre chef de caves, un très beau potentiel.

À ce stade, peut-on déjà dire que le raisin fera un millésime ? 

On décide un millésime au moment de la dégustation de vins clairs. De ma carrière d’agronome et à ma connaissance c’est techniquement la plus belle vendange. Il n’y a pas un secteur dégradé : la qualité des cueillettes, des grappes, des baies, est exceptionnelle à tous les niveaux – que ce soit en caractéristiques sucre / acidité, aromatique, visuelle. 

Quels sont les effectifs de Taittinger durant les vendanges ? 

Les effectifs vignobles pour les travaux de la vigne sont de 70 personnes permanentes à temps plein, renforcées par des contrats saisonniers pour la taille – liage et relevage-palissage. On est à ce moment-là 100-115 personnes. Et, aux vendanges, nous passons à des effectifs bien supérieurs : plus de 800 personnes (des cueilleurs surtout, mais également les personnes qui transportent les raisins vers les pressoirs et les personnes aux pressoirs pour assurer la pesée, le basculement des caisses, le nettoyage des caisses, l’organisation des marcs, le pressurage et la cuverie)

Une fois le raisin récolté, pouvez-vous nous rappeler le processus de transformation que va suivre le raisin ? 

Il est nécessaire qu’il y ait une coordination étroite entre les équipes du vignoble et nos œnologues Maison! Chaque jour, des citernes viennent chercher les moûts dans les différents centres de pressurage pour les conduire vers notre cuverie à Reims. Sous l’autorité du chef de caves, ces jus sont alors dirigés vers les différentes cuves en fonction de leur origine, cru, cépage….

La Maison Taittinger dispose de trois pressoirs, à quelles zones correspondent-ils ?

Ces trois pressoirs représentent les trois grands secteurs que nous travaillons. À Pierry, au Château de la Marquetterie, nous allons presser les raisins des régions d’Hautvillers à Sézanne en passant par la région d’Épernay (Pierry, Moussy, Vinay, Chavot) et de la Côte des Blancs. On pressure environ 110 hectares de vignes, nous réceptionnons également les raisins de nos livreurs. 
Sur la Montagne de Reims nous pressurons des raisins de Murigny, du secteur de Rilly ainsi que tout le secteur des grands crus : Mailly, Verzenay et Ambonnay ainsi que Trépail. 100 hectares sont pressés sur le pressoir de Rilly-la-Montagne. 
Notre troisième pressoir se situe à Loches-sur-Ources où nous pressurons les raisins de la Côte des Bars, principalement Loches et Essoyes ce qui représente à peu près 90 hectares. 
Nous pressurons sur nos pressoirs tous les cépages : grands crus, premiers crus et autres crus.

Combien de marcs sont pressés chaque jour dans les différents pressoirs ? 

En général on se situe entre 8 et 12 marcs par jour en période de pointe. Et un marc correspond à 8000 kg.

Les vendanges terminées, quelles sont pour vous – en tant que directrice du vignoble – les prochaines grandes étapes ? 

Lorsque celle-ci se termine j’ai un gros travail administratif. 
Pendant les vendanges : c’est surtout de l’observation, vérification de la qualité, contrôle, anticipation des besoins, soutien des responsables de pressoir… Puis, il faut procéder aux règlements de cueillette, des locations faites durant la vendange. Le travail administratif commence alors : déclaration de récolte (CIVC), bilan global de nos cueillettes par crus et par cépage. Nous devons ensuite faire un point global pour essayer de mesurer à chaud tout ce qui peut être amélioré afin de progresser sur tous les aspects.

Photos : Gildas Boclé