Habitué aux challenges extrêmes sur l’eau, le kitesurfeur le plus titré de France est à l’origine d’une start-up qui, en se lançant dans un nouveau défi mondial, génère de l’innovation exploitable hors de la sphère sportive.

Établi à 121 km/h, le record du monde de vitesse sur l’eau propulsé par le vent est détenu depuis 2012 par l’Australien Paul Larsen. Les records étant faits pour être battus, celui-là a des chances d’être pulvérisé en 2024. Une équipe de choc a été constituée dans ce dessein sur les rives de la Méditerranée. L’esprit de compétition et de défi qui coule dans ses veines a été insufflé par un homme au curriculum sportif éclatant : premier au monde à avoir dépassé les 100 km/h sur l’eau propulsé par le vent, deux fois recordman du monde de vitesse à la voile, quatre fois champion du monde de vitesse en kitesurf et tenant du record de vitesse en kitesurf à 107,3 km/h sur 500 m. 

Une vie d’eau et de vent 

L’eau, le vent et la glisse ont rempli le quotidien d’Alex Caizergues dès son plus jeune âge, quand ses parents véliplanchistes se sont installés à Port-Saint-Louis-du-Rhône, dans une Camargue balayée par le mistral et réputée pour ses spots. Les sports nautiques accaparent ses loisirs puis, après des études de marketing, débordent sur sa vie professionnelle. La fièvre de la vitesse arrive avec la découverte précoce du kitesurf. Il se sent pousser des ailes et s’engage à plein temps dans le sport de haut niveau pendant une douzaine d’années. Tout au long de son parcours de champion une petite voix intérieure lui chuchote : « C’est bien de battre des records, d’inscrire ton nom au palmarès mais à quoi ça peut servir ? »

Alex Caizergues © Syroco

Repousser les limites

Pour réussir à repousser les limites et à affoler le chrono, Alex Caizergues a constamment travaillé avec ses équipementiers à l’amélioration technique de son matériel. La recherche de performance a amené l’innovation. Alors pourquoi ne pas utiliser ces challenges extrêmes, non plus pour optimiser la pratique compétitive du kitesurf, mais pour « des applications industrielles intelligentes, qui plus est vertueuses, permettant une meilleure utilisation des ressources de la planète. » C’est sur cette grande ambition, et après un temps de mûrissement, qu’a été fondé en 2019 à Marseille Syroco qui réunit autour d’Alex des experts en informatique, en architecture navale, en marketing de technologies, etc. tous amoureux de la mer et des sports nautiques.

Moteur d’innovation

Yves de Montcheuil, l’un des cinq associés de la start-up : « On a commencé par définir notre méthodologie, celle de l’exploit pionnier moteur de l’innovation, en partant de l’ADN d’Alex, la vitesse sur l’eau, et en se fixant un objectif ambitieux. On ne veut pas faire un peu mieux que le record actuel, mais l’exploser, atteindre les 150 km/h, à la seule force du vent. C’est un défi fou, un Moonshot. Il nous oblige à réinventer complètement le concept car Paul Larsen et son Sail Rocket 2 étaient aux limites de ce qu’on pouvait faire avec les concepts existants. » En plus de recruter des ingénieurs et des chercheurs, Syroco a mis à contribution des coureurs au large, parapentistes, constructeurs de bateaux de course, designer d’hélicoptères de vitesse le temps d’un brainstorming. 

Prototype du Speedcraft © Syroco

Un prototype au 1/3e

Comment aller très vite, avec le vent comme seule force de propulsion ? 50 concepts sont sortis de cet exercice d’intelligence collective. Ils ont été testés virtuellement à l’aide du logiciel innovant conçu par la start-up. Celui qui s’est avéré le plus efficace est en train de se matérialiser sous la forme d’un engin doté d’une nacelle, d’une aile de kite géante et d’une aile sous l’eau (un foil). « On a construit un prototype radiocommandé à l’échelle 1/3e dans notre petit chantier naval situé dans l’anse du Pharo. Il navigue et nous a permis de valider le concept. On travaille maintenant sur l’accélération. »

JO 2024

Prochaine étape : construire le Speedcraft en grandeur réelle, soit un engin de 7m de long pouvant embarquer deux pilotes. « Il reste encore plusieurs sujets de recherche à finaliser avant. On vise le record en 2024. Avec les JO de Paris, dont les épreuves de voile se déroulent à Marseille, ce sera un bon timing. » En même temps qu’elle prépare ce défi sportif et technologique, la start-up a mis à la disposition des acteurs du transport maritime un nouvel outil logiciel d’aide à la décarbonation de leur activité, qu’elle a développé dans le cadre de sa recherche de vitesse. « Qu’on prenne un bateau très léger qui va très vite ou un bateau très lourd qui va plus doucement, les lois de la physique s’appliquent de la même façon. »

© Syroco
>> À suivre prochainement
Partie 2 : Syroco, artisan de la transition énergétique du transport maritime
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IG : @syrocolab

Texte : Catherine Rivière