En 2020, Charles Coulombeau remportait le Prix culinaire international Taittinger*. Son histoire avec la Maison de Champagne rémoise n’est pas restée sans lendemain : c’est à ce jeune chef brillant deux fois étoilé qu’elle a demandé de co-construire avec elle le concept Polychrome qui prolonge l’expérience des visiteurs sur son site historique Saint-Nicaise à Reims.
Deux étoiles font aujourd’hui briller son nom, l’une à La Maison dans le Parc à Nancy, l’autre au restaurant Yozora du Centre Pompidou-Metz. À 33 ans, dont plus de la moitié passée en cuisine, Charles Coulombeau n’est cependant pas du genre à se reposer sur ses lauriers. « Je suis hyperactif de nature et j’ai aussi des troubles de l’attention alors il faut que ça bouillonne, que ça fourmille. » À la tête de deux restaurants, d’une brasserie et d’un foodtruck, il trouve encore le temps de faire du consulting à l’étranger. « Pour autant je ne veux pas m’éparpiller. Chaque projet est mûrement réfléchi et doit s’inscrire dans une forme d’harmonie professionnelle. »
Il en est ainsi pour Polychrome à qui il a apporté la somme de ses expériences acquises au Pays Basque, dans les Landes, en Bourgogne, au Japon, en Angleterre, toujours dans des établissements étoilés qui l’ont conditionné à une forme de rigueur et d’excellence. Excellence dont il a fait montre déjà en 2020 en remportant le Prix culinaire international Taittinger*. « C’est un moment de dépassement de soi, un accomplissement professionnel dont je suis fier. Ça m’a conforté dans ma certitude que le travail paie. » Polychrome lui a permis de poursuivre sa belle histoire avec Taittinger, une entreprise familiale où résonnent « les valeurs de générosité, de partage, de respect – des uns et des autres, de soi-même, du produit, du client – que j’essaie de transmettre au quotidien. »
Que vous inspire l’association champagne et gastronomie ?
Le champagne est la boisson de fête. Mais dans une dimension gastronomique on peut cuisiner avec certains champagnes et ils peuvent prendre la place du vin à table. C’est très intéressant quand on est cuisinier de se frotter à cet exercice de rechercher des accords sur tout un menu.
Comment avez-vous vécu cette double contrainte : partir des cuvées pour élaborer le menu et jouer sur les couleurs ?
J’ai pris ça comme un challenge amusant. Partir du champagne donne un cadre à la création. On goûte un champagne, on détermine ses aromatiques. C’est plus simple que de partir d’une feuille blanche. Pour ce qui est des palettes chromatiques, on suit le rythme des saisons. C’est-à-dire que dans un potager au mois d’avril tout ce qui est vert, qui pousse dans le même écosystème, va très bien s’associer. C’est ce qu’on a essayé de reproduire. Ensuite il fallait trouver une protéine, quelques biais pour assurer cette monochromie.

Quel processus créatif avez-vous suivi ?
Avec Vitalie Taittinger, Audrey Malacain, directrice de l’expérience, les sommeliers, le chef de cave, nous nous retrouvions soit à Reims, soit à Nancy. J’arrivais parfois avec 30, 40, 50 sauces ou condiments qu’on goutait de manière frénétique pour trouver une belle association. Au début c’était de la dégustation abusive. C’est-à-dire qu’on ramenait toutes les protéines possibles, imaginables, plein de fruits, de légumes, de petites choses que j’avais dans mon répertoire culinaire. Petit à petit, on resserrait l’étau, on faisait des assemblages, on partageait nos ressentis. On a eu des coups de cœur pour des créations, par exemple une sauce pistache qu’on retrouve aujourd’hui à la carte. A raison d’une séance de travail par trimestre pendant deux ans, on a réussi à faire une cartographie des saveurs. En partant d’une grosse pierre brute, on a obtenu quelque chose d’épuré, d’assez simple.
Que pensez-vous du résultat ?
Je suis heureux d’être l’un des architectes de ce projet. C’est une expérience singulière et ludique où les gens doivent faire leur assemblage avec les différentes sauces, comme on le ferait pour élaborer un champagne. C’est fun, décomplexé et de qualité.
Quelles sensations espérez-vous créer chez le client ?
Imaginons que « l’entrée » et le « plat » soient la visite des caves et qu’on viendrait prendre le « dessert » assis à table au Polychrome. Il faut que le « dessert » laisse aussi une trace, un bon souvenir. L’objectif serait alors atteint. C’est cette singularité qu’on essaie d’affirmer.
Comment ressortez-vous vous-même de cette collaboration ?
Je ressors riche d’une nouvelle expérience, d’un nouveau format pour moi aussi. Dans mes restaurants, je suis présent quotidiennement. Au Polychrome, la Maison Taittinger a réussi à monter une super équipe de cuisine qui sera pour cette année l’ambassadrice de ma proposition. C’est rassurant parce que j’engage mon nom sur un projet comme celui-là. Mais je n’ai aucune inquiétude. Tout est fait dans les règles de l’art, avec intelligence.
*Rebaptisé en 2024 Prix international ArsNova de la cuisine d’auteur : https://prixcuisinedauteur.philanthropicarsnova.org/fr
