Sur le Prix international de cuisine d’auteur ‘Le Taittinger’, les candidats étaient assistés de jeunes commis de l’école Le Cordon Bleu Paris. Deux d’entre eux reviennent sur cette incroyable expérience. 

Voici quelques semaines, la 56ᵉ édition du Prix Taittinger couronnait le Suédois Louis Dupuy-Roudel, du restaurant Persona à Stockholm. La Suisse, représentée par Kevin Vaubourg, du Beau Rivage Palace à Lausanne, a décroché la deuxième place, tandis que le Belge Paul Guenot, de Ma Langue Sourit à Moutfort, a terminé sur la troisième marche du podium. 

Aux côtés de chaque concurrent pendant toute la compétition, un ou une commis était en charge de l’assister. Tous étaient issus des rangs de l’école Le Cordon Bleu Paris. Parmi eux, une jeune iranienne, Sahar Ghavidel, qui a accompagné le candidat suisse. Arrivée avec une certaine appréhension, la jeune femme a vécu cette compétition comme un rêve. « Kevin a vraiment compté sur moi et, de mon côté, j’ai donné tout ce que je pouvais pour l’aider, observe-t-elle. J’ai déjà travaillé en pâtisserie, il s’est donc reposé sur moi pour toutes les pesées, très précises, que nous devions réaliser. J’étais très honorée de travailler avec lui, mais aussi qu’il me fasse confiance. »

Une belle complicité professionnelle est née pendant ces quelques heures de concours, à tel point que le chef suisse a expliqué que, si, un jour, Sahar cherchait du travail, il serait très heureux de l’accueillir dans sa brigade. « Il était très respectueux, me demandait toujours si j’étais en difficulté ou si tout avançait bien, se souvient-elle. Il m’a appris des techniques que je ne connaissais pas. Je lui en suis vraiment reconnaissante. »

Prix Taittinger, Kevin Vaubourg
Le chef Kevin Vaubourg accompagné de Sahar Ghavidel, sa commis lors du Prix Taittinger © Gildas Boclé

Une expérience unique

Sahar Ghavidel est venue de très loin pour se former en France, à l’école Le Cordon Bleu Paris, après avoir appris le français à l’université, à Nice, puis la boulangerie pâtisserie dans la Capitale. C’est aussi le cas de Manjot Singh Hanspal, le commis indien du vainqueur du Prix international de cuisine d’auteur ‘Le Taittinger’. 

À 24 ans, le jeune cuisinier a un parcours incroyable. Avant de s’inscrire pour suivre la formation du Cordon Bleu, il a étudié le génie mécanique à l’université McGill, à Montréal (Canada) pendant quatre ans. « Mais j’ai toujours été passionné de cuisine et je savais que je voulais travailler dans l’univers de la gastronomie, d’une manière ou d’une autre », reconnaît-il aujourd’hui. 

À l’été 2022, il fait le grand saut et devient chef apprenti au TimeOut Market Montréal, pour Chanthy Yen, un chef très réputé au Canada, qui propose un cuisine fusion franco-cambodgienne. Manjot témoigne de son expérience auprès du vainqueur, le chef Louis Dupuy-Roudel : « Je l’ai trouvé très calme, confiant dans son approche, dès le départ du concours. Nous avons eu quelques minutes pour discuter avant la mise en place dans la cuisine où il nous a expliqué son plat et son inspiration. J’ai été très impressionné par sa vision et la planification de son plat ». 

Les deux hommes échangent sur leurs parcours respectifs, leurs envies de cuisine. « J’ai été émerveillé lorsque j’ai appris qu’il avait travaillé avec le chef Paul Bocuse », assure Manjot Singh Hanspal. « Au début, j’avoue avoir été assez inquiet face à la montagne de tâches qui nous attendaient. Mais le chef était préparé à tout cela. Ses instructions étaient claires et précises, l’inventaire et les tâches associées étaient déjà bien organisés, se souvient-il.  Surtout, Louis m’est apparu comme un très bon leader. Il a su me donner une direction claire et la confiance nécessaire pour réussir ». 

À plusieurs moments de la compétition, le commis-ingénieur s’est retrouvé « en retard en raison d’une technique ou d’un ingrédient que je ne connaissais pas, reconnaît-il. Mais le chef Louis a patiemment répondu à mes questions et gardait toujours mon moral au plus haut ». Il se souvient des trente dernières minutes du concours, « les plus intenses. Nous avons dû dresser, mais de nombreux éléments du plat n’étaient pas encore prêts. Le chef a gardé son calme, il s’est comporté en leader et a maintenu une bonne communication avec moi ». Les assiettes ont été dressées à temps et sans anicroches, le résultat final en témoigne. 

Et demain ? 

La page du concours étant tournée, chacun des deux commis se projette dans son avenir. Leur formation à l’école Le Cordon Bleu Paris arrivera à son terme dans quelques semaines. Il sera temps de partir, alors, vers de nouveaux horizons professionnels et le bagage, solide, de cette expérience en cuisine dans un grand concours international. Pour Sahar ce sera à Dubaï, aux Émirats arabes unis. « Je pense travailler pendant 2 ou 3 ans, pour acquérir encore un peu d’expérience, explique-t-elle. J’aimerais ensuite m’y établir et y ouvrir un café ou un restaurant. » Manjot, lui, entend prolonger un peu son expérience de globe-trotter de la cuisine et parfaire sa formation « dans des restaurants gastronomiques en Europe et aux Etats-Unis. Je veux essayer d’apprendre auprès des meilleurs. Il n’y a que très peu de restaurants étoilés au Guide Michelin en Asie, j’espère donc contribuer, d’une manière ou d’une autre, à porter ma cuisine au plus haut niveau ». 

Texte : Cyrille Jouanno
Photo de Une © Benoît Pelletier