Fondateur d’Educavin, où il est consultant pour les producteurs et l’interprofession du vin, formateur expert et organisateur de dégustations, guide œnotouristique, le spécialiste vin, terroir et gastronomie Geoffrey Orban, apporte une autre vision des terroirs de Champagne et des accords pour des expériences exclusives et inoubliables.
Son crédo : « Du terroir à l’assiette ». S’il précise qu’il n’est pas œnologue, ses nombreuses expertises et sa précision sont bien connues sur les terres de Champagne et au delà. Point sur l’essentiel à savoir pour réussir des accords mets-vins, en nous intéressant plus particulièrement aux accords champagne.
Parlez-nous de votre parcours : qu’est-ce qui vous a mené à étudier et à apprécier le travail sur les accords ?
J’ai un oncle cuisinier et grand amateur de vin, qui en a d’ailleurs fait son second métier. Cela pose les bases. Après mes études j’ai eu l’opportunité de créer des harmonies culinaires au cours de repas commentés, de travailler avec des chefs et des traiteurs et j’ai été consultant pour Dalloyau à Paris. Non-sommelier de formation, j’ai créé mes propres principes et j’ai étudié de manière plus scientifique les aliments, la physiologie du goût, comme pour le vin pendant mes études.
Pouvez-vous citer un accord qui vous a particulièrement marqué, et pourquoi ?
Très tôt je me suis mis à réaliser des associations avec le champagne. J’ai commencé à travailler en dehors de ma région pendant 2 ans, je n’avais donc aucun interdit ni aucune règle à suivre. Je crois avoir commencé avec de l’épaule d’agneau puis le chocolat. J’ai d’ailleurs récemment réalisé un accord avec un champagne Blanc de Blancs jeune et de la Côte des Blancs avec une ganache chocolat au citron. C’était osé, mais très réussi !
Quel est votre accord favori, et pourquoi ?
Pas de fausse modestie ! J’en réalise beaucoup par an et il y a de grandes rencontres harmoniques, ce qui rend impossible un choix. Je dirais le foie gras, le jambon cru et le fromage parce que c’est très facile à associer avec le champagne.
Pour vous, qu’est-ce qu’un bon accord mets et vin ?
Il y a plusieurs approches possibles, mais restons dans la gourmandise. Il doit remplir trois attentes : la résonance chromatique/olfactive/gustative, l’élégance (même dans la puissance), et l’objectif gastronomique dans le sens où il ne doit pas saturer le palais pour faciliter la poursuite de l’expérience avec un autre vin et un autre plat.
Quel est le secret d’accords réussis ?
Il est vrai que les ouvrages sur les accords ne font qu’éditer des règles qu’il est « facile » de contourner. J’encourage le côté ludique et l’expérience.
Je donne un exemple :
Vous prenez quatre bouteilles de vin et quatre préparations différentes d’un élément (au choix : crustacés / poissons / charcuterie / foie gras / viande / volaille / légumes / fromage / dessert). L’idée est de tester chaque vin, sur chaque préparation, ce qui fait 16 tests pour une séance. Ce qui est intéressant est que vous pouvez le faire avec vos convives au cours d’une soirée dînatoire par exemple. Plus vous allez développer ce type de séances, plus vous allez comprendre d’emblée ce qui fonctionne ou non, avant d’aller plus loin dans la démarche.
ACCORDS METS-CHAMPAGNE
Quel est le secret d’accords réussis avec le champagne ?
Je propose plus de 2000 accords par an avec le champagne sans interdit, mais avec beaucoup de bons sens et sans tester avant mes accords. Les gens sacralisent les accords champagne en raison des bulles. Si vous admettez que la base de texture d’un champagne est représentée par son acidité et ses bulles, à chaque fois que vous songez à un accord, demandez-vous comment vous allez faciliter l’introduction de ces deux éléments dans la texture de votre plat. Comment va se déstructurer votre plat dans le palais. Ensuite il vous suffit d’adapter la puissance et faire des liens harmoniques (fruités, de fraîcheur).
Exemple :
Un chèvre fondant et un chèvre sec. La mastication du premier accélère le fondant et facilite pleinement l’incorporation du champagne. Pour le second, la mastication ne laisse que des morceaux compacts qui stoppent les bulles et l’acidité, et c’est une catastrophe.
Quels types d’accords peut-on faire ?
On peut tout faire avec le champagne à partir du moment où la texture du plat laissera vivre les bulles et l’acidité ! La seconde interrogation réside dans le dosage. Plus vous avez un plat avec de l’amertume, plus il vous faudra contraster avec du moelleux (gras, sucre). De même, plus vous avez du piquant dans le plat, plus vous allez chercher du sucre, de même que pour les vins doux.
Pourquoi le champagne est-il parfois difficile à accorder ?
Le plus souvent le bon sens évoqué précédemment n’est pas au rendez-vous et il est mal conseillé. Par exemple, vous ne pouvez pas dire à vos clients de marier du champagne brut rosé avec du dessert si ce dessert est une forêt noire avec des cerises alcoolisées à l’intérieur.
De plus, les gens ne connaissent pas bien la grande diversité des champagnes liée aux assemblages et aux nuances de terroir. Quand vous avez une culture sensorielle d’une région viticole, c’est quand même plus facile de l’envisager sur des plats et des occasions de consommation variées.
Pour vous, existe-t-il des accords impossibles dans le monde du vin ? Et plus spécifiquement dans le champagne ?
Je pense honnêtement qu’il n’y a pas d’accords impossibles dans le monde du vin au regard de réalisations extrêmes élaborées. Pour le moment je n’ai jamais rendu copie blanche avec le champagne, mais il est sûr qu’un aliment/condiment/épice qui vous sature et inhibe votre sens du goût par une trop grande agression du palais ne pourra de toute manière jamais valoriser de grandes harmonies.
Quelle est la place des terroirs dans les accords ? Facilitent-ils les accords ou peuvent-ils être l’origine d’un accord parfait ?
Je me sers de mon expertise sur l’expression des cépages par type de sous-sol et par secteur de la Champagne pour réaliser mes accords avec les champagnes des vignerons et des coopératives de villages.
Exemple :
Jambon cru de pata negra Bellota. Ce jambon est riche en bons acides gras instaurés qui se développent surtout dans le milieu de bouche, avec des arômes de viande, de noisette et de gland de chêne. Je vais d’emblée chercher les terroirs argileux dont les minéraux occupent majoritairement le milieu de bouche et ce quel que soit le cépage. Après j’ai bien besoin d’une puissance fruitée et de fraîcheur. Ma recherche se porte ainsi sur un champagne Blanc de Noirs de pinot noir sur argile et assez jeune ou sur un rosé de macération bien fruité et consistant.