Nommé à la tête de l’Odéon Théâtre de l’Europe à l’été 2024, Julien Gosselin s’impose comme l’une des figures marquantes de la mise en scène contemporaine, alors qu’il n’a pas encore quarante ans.

Originaire du Pas-de-Calais, formé à ce qui deviendra l’École du Nord, au Théâtre du Nord (Lille), il fonde avec six comédiens de sa promotion la compagnie « Si vous pouviez lécher mon cœur ».  L’équipe est très vite repérée par les programmateurs et la critique.

Son adaptation du roman de Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, crée l’événement lors de l’édition 2013 du Festival d’Avignon. Julien Gosselin a alors 26 ans. Sa recherche croise volontiers les grandes aventures romanesques : de 2666 roman-fleuve de Roberto Bolaño, aux trois ouvrages de Don DeLillo, Les Noms, Joueurs et Mao. Si l’on doit qualifier ses mises en scènes, on relèvera que Julien Gosselin, en créateur de son temps, a su s’emparer en virtuose de la vidéo comme de la musique électronique. 

L’Odéon Théâtre de l’Europe © Thierry Depagne

À l’Odéon, l’un des six théâtres nationaux, il imprime sa marque, résolument contemporaine, en n’oubliant pas que la mention « Théâtre de l’Europe » est accolée au nom de l‘établissement. « Ce n’est pas rien, assure Julien Gosselin, c’est un point d’ancrage important pour nous que d’avoir un théâtre ouvert sur l’Europe et sur le monde entier. Nous y veillons, tant pour les artistes que pour l’accueil des publics. » À cette ligne directrice internationale, il en ajoute une autre, fil rouge de son projet artistique et culturel. « Nous avons le désir de parler aux jeunes spectateurs, pas seulement en tentant d’imaginer quels sont leurs goûts, mais en leur donnant la parole au travers des artistes de leur génération. C’est aussi ouvrir les portes du théâtre pour des DJ sets, des performances, des temps forts dédiés à la jeunesse. »

Le théâtre n’est pas que patrimonial, même dans un lieu comme l’Odéon. Il parle à la jeunesse, il parle de la jeunesse. « Dans mon projet, l‘Odéon est un lieu en prise avec le monde contemporain, estime le directeur, mais c’est aussi un lieu où l’on cultive la joie, la rencontre et l’hospitalité comme valeurs cardinales. »

Parce qu’il n’est pas seulement directeur d’un théâtre, fut-il national, Julien Gosselin demeure un metteur en scène dont les créations sont le témoin d’une époque qui se questionne. Avec Le Passé, de l’auteur russe Leonid Andreïev, il souhaitait porter au plateau « la disparition du théâtre et la disparition à venir de l’humanité ». La saison passée, il a par ailleurs choisi de travailler avec seize interprètes, issus de la promotion sortante du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, pour traverser avec eux l’œuvre de Marguerite Duras, de L’Amant à La Douleur, en passant par La Maladie de la mort, entre autres. Une immense fresque littéraire, profondément humaine, qui s’étend sur dix heures, présentée aux Ateliers Berthier, deuxième salle de l’Odéon. Un tour de force et une manière de bouleverser les codes de la représentation au théâtre. 

Les Ateliers Berthier, deuxième salle de l’Odéon © Thierry Depagne

La Maison Taittinger compte parmi les mécènes historiques de l’Odéon Théâtre de l’Europe. Julien Gosselin trouve là un partenaire « avec lequel le dialogue est nourri, constant et productif ». « Chaque année, nous discutons beaucoup avec Vitalie Taittinger, sur nos grands projets, les spectacles, les actions de médiation. Je dirais que Taittinger est un partenaire engagé, pas seulement un mécène du théâtre. Ils nous soutiennent véritablement dans ce que nous entreprenons. Lorsque l’on vient au théâtre, poursuit-il, on cherche à vivre une expérience dont on ignore à peu près tout avant de franchir ses portes. C’est une petite aventure. En cela, on se retrouve bien avec un producteur de champagne comme la Maison Taittinger. » Julien Gosselin n’en oublie pas non plus que les champagnes Taittinger « accompagnent aussi les grands moments de la vie du théâtre ». S’il souhaite que le théâtre soit « un lieu de combat », c’est avant tout pour lui un espace de rencontres et d’hospitalité. 

Julien Gosselin © Axelle de Russe pour Le Monde
www.theatre-odeon.eu
@theatreodeon

Texte : Cyrille Jouanno
Image de une : Julien Gosselin © Simon Gosselin