Du 16 juin au 29 août 2021, l’oeuvre de Corinne Deville, artiste hors normes, fait l’objet d’une rétrospective au Palais du Tau à Reims.

Un long basset artésien rouge, un orchestre noir joue avec les couleurs du Jazz de Matisse, un long chemin rouge serpente du bas au haut de la feuille entrelaçant moult animaux comme dans les Poyas traditionnelles Suisses, des figures noires comme des ombres essayent de se dégager des bombes et des éclats de sang…

Vous entrez dans le monde de l’artiste Corinne Deville, de grands dessins aux crayons de couleurs, aux feutres, à la gouache. D’abord le cadre. La feuille comme un espace de création, une volonté de tout occuper, elle ne choisit pas, elle montre tout.

Ensuite vient le bestiaire. Comme dans les tapisseries médiévales les animaux se superposent aux humains, ils volent, nagent, courent, avec des têtes expressives, parfois des sourires. Enfin, il y a les couleurs. Corinne Deville s’en remet à la force des couleurs primaires, une évidence qui doit remonter à l’enfance. Chaque dessin s’agrippe à notre rétine.

Il faut prendre le temps d’entrer dans chaque image, l’œil se promène, s’amuse et s’émeut de tous les détails. Ici, tout est possible, même de voir Adam et Eve, corps noirs ornés de colombes, courant dans un paradis d’animaux qui ont des colliers de perles, des chandelles, des croix helvètes. Une course ? une fuite ? Un trajet fulgurant vers la fin de l’Eden et le précipice de la condition humaine ?

Art brut, Art naïf ? Et si, plutôt, nous étions au plus près de la pulsion d’art ? Corinne Deville se dévoile, elle est une femme nue qui s’offre à nous, debout ou courbée par la vie qui passe.

Née ardennaise, Corinne Deville a habité entre Charleville, Reims, Paris et la Suisse. Elle a vécu un amour sans faille avec Jean Taittinger, des lettres en témoignent avec force et poésie. Ce qui la différencie des peintres traditionnels c’est, peut-être, qu’elle n’a jamais voulu exposer. Elle a mené son travail en solitaire, comme un besoin irrépressible, loin des yeux dévorants du marché de l’art. Alors qu’elle est décédée en avril 2021, ses enfants ont voulu cette rétrospective. Ils ont ouvert les boites et les cartons pour nous offrir ce panorama secret et fascinant. Une visite lente, enjouée et studieuse pour se questionner sur ce qui fait Art.

Corinne Deville – L’intime Sacré
Palais du Tau, Reims 51100
Du 16 juin au 29 août 2021

palais-du-tau.fr
corinnedeville.com

Texte : Jérôme Descamps