Il y a ceux qui cuisinent. Il y a ceux qui mangent. Et au milieu, ceux qui font briller le travail des premiers pour aiguiser l’appétit des seconds. Jean-Blaise Hall fait partie de ces artistes de l’entre-deux, de cette famille de photographes qui a mis son art au service de la gastronomie.

Dans la Suisse qui l’a vu naître et se former à l’école supérieure d’arts appliqués de Vevey, Jean-Blaise Hall a appris le métier de photographe en même temps qu’il a attrapé le goût de manger et de cuisiner qui ne sera pas sans influence sur sa carrière. Mais pour ses débuts professionnels, effectués en tant qu’assistant à Zurich, puis Los Angeles et San Francisco, il se consacre à la photo publicitaire. « Ça m’a mis le pied à l’étrier et permis de gagner de l’argent pour pouvoir me lancer. » Un hebdomadaire américain lui commande ses premières images de plats cuisinés. Il accroche bien. Mais le pays de la malbouffe est-il le meilleur endroit pour s’épanouir dans ce créneau ? Paris lui semble plus approprié. « Quand je m’y suis installé comme photographe culinaire en 1988, l’activité a démarré très vite. Nous étions très peu dans cette spécialité qui était considérée comme un art mineur. À l’époque, tout le monde voulait faire de la photo de mode. » 

Des images moins parfaites

Dans son studio de Belleville doté d’une vaste cuisine équipée, Jean-Blaise Hall n’a cessé depuis 1990 d’immortaliser des recettes et des mets, que ce soit pour des campagnes dans l’agroalimentaire, la presse (Cuisine et Vins de France, Elle à table, Saveurs, Régal…) ou des ouvrages pour de grands chefs (Marc Veyrat, Michel Guérard…). En vivant, au milieu de sa carrière, le grand choc technologique du numérique qui a aussi infléchi les attentes. « Il a beaucoup changé mon métier et le style des images, qui sont devenues plus spontanées, plus vivantes, moins parfaites pour faire plus vrai, plus comme à la maison. » Finie aussi l’époque des fruits magnifiques… en résine, des plats un peu truqués qui en devenaient immangeables. Le retour au naturel n’exclut pas le recours à des astuces pour que les aliments restent visuellement gourmands : petits pois et haricots laissés croquants, volaille crue à cœur pour garder sa belle apparence, poisson à peine cuit pour une manipulation plus facile…

La nourriture n’attend pas

En général, le scénario d’une journée de prise de vue est écrit à l’avance avec la styliste culinaire qui apporte le shopping en fonction de la saison de parution, de l’univers et de l’ambiance recherchée. Pendant qu’elle cuisine, Jean-Blaise Hall prépare le set : lumière, angle, cadrage, netteté, essais… Un impératif : être prêt à déclencher quand l’assiette est dressée. « La nourriture n’attend pas. Il faut la shooter dès qu’elle sort du feu sinon elle perd ses qualités visuelles. »

La concentration et la vitesse d’exécution sont encore plus requises dans la mission que lui a confiée le Champagne Taittinger : documenter photographiquement le prestigieux prix culinaire que la Maison organise chaque année depuis 1967. « Je monte un petit studio à côté du jury, chaque chef à son tour y dépose son assiette. Les plats sont fragiles, éphémères, il faut aller très vite, 30 à 45 secondes, pas plus. » Cette collaboration a commencé par la publication en 2016, pour les 50 ans du concours, d’un livre commémoratif, Le Prix des chefs, rassemblant les plats lauréats dont il a signé une quinzaine des photos. Ce qu’on appelle des « natures mortes », alors qu’elles offrent à l’œil une matière bien vivante qui a l’art de mettre les sens en éveil. 

jeanblaisehall.com
Photos : Jean-Blaise Hall
Texte : Catherine Rivière