L’artiste Christian Lapie sculpte et dessine depuis vingt-sept ans des figures de bois noirci, et livre une œuvre tout à la fois puissante et sensible.
Aux côtés du photographe Benoît Pelletier – l’auteur de ces images – nous avons eu la chance de pouvoir découvrir l’univers de l’artiste et sculpteur Christian Lapie. Dans ses deux ateliers – l’un en intérieur, l’autre en plein air – nous avons assisté à la naissance d’une œuvre extrêmement sensible conçue à partir d’un matériau – le tronc d’arbre – et avec une approche physique pourtant très bruts.
Pour réaliser ses œuvres, l’artiste va chercher, l’hiver, des arbres dans la forêt ardennaise. Il la parcourt jusqu’à trouver un arbre lui offrant des perspectives satisfaisantes et l’achète sur pied en pariant sur ce qu’il aura à lui offrir. L’arbre est ensuite transporté jusqu’à son atelier en plein air de Val-de-Vesle. Avec une équipe de trois ou quatre personnes, il va le fendre, à l’aide d’une tronçonneuse. Au moment de « l’ouverture », il y a un pur geste artistique – il sent très exactement ce qu’il va pouvoir faire de cet arbre – et aussi un moment d’émotion, c’est un être vivant de trois cents ou quatre cents ans qui va entrer dans une nouvelle vie.
Très vite, il dégage la figure, esquisse la tête, dessine les épaules. L’arbre devient rapidement une œuvre qui prendra complètement son autonomie quand elle sera redressée et fichée sur une épaisse plaque de métal dotée de tire-fonds pour maintenir la pièce debout face aux aléas du climat.
L’œuvre naissante, la plupart du temps en chêne pour des questions de résistance mécanique et chimique, subit ensuite un passage sous vide à l’huile de lin qui assurera sa résistance au temps. Elle est enfin teintée en noir pour quitter son statut d’arbre et s’inscrire définitivement dans le champ de l’art.
Avec la même dextérité, il fait aussi naître ses figures sur papier, au fusain. Et là encore, quelques minutes suffisent pour que « se passe » quelque chose.
Christian Lapie fait de ses œuvres une voix, un outil de transmission. Elles sont son instrument. Grâce à elles nous sentons la présence des soldats tombés à la caverne du Dragon, l’esprit indicible d’un lieu, ou la présence floue d’âmes oubliées. Elles agissent comme des passeurs entre maintenant et ailleurs, entre ici et avant. Le mot « transcendance » est dans l’air en les observant. Il revient souvent dans la bouche de Christian.