Depuis plus de 40 ans, l’artiste canadien Edward Burtynsky documente l’impact de l’activité humaine sur la planète dans ses photographies monumentales aux airs de peintures abstraites. Le musée M9 à Venise accueille jusqu’au 12 janvier l’exposition « BURTYNSKY : Extraction/Abstraction », une rétrospective à la hauteur de l’engagement de l’artiste.
Edward Burtynsky grandit à St. Catharines, une ville industrielle de l’Ontario qui nourrit son imaginaire de paysages industriels et de vastes constructions humaines. Une passion précoce pour la photographie le conduit à poursuivre des études en photographie et médias, qu’il finance en travaillant pendant les mois d’été dans une usine de General Motors. Tout naturellement, son regard se porte dès le début de sa carrière sur les complexes industriels, le conduisant au fil des décennies aux quatre coins du monde, des États-Unis à la Chine, de Madagascar au Nigéria, de la Russie à l’Indonésie.
Le musée M9 (ou 20th Century Museum) rend hommage à cette œuvre monumentale et remarquable avec la plus grande rétrospective de la carrière d’Edward Burtynsky, présentée pour la première fois en Italie.
Le commissaire d’exposition Marc Mayer, ancien directeur du Musée des beaux-arts du Canada et du Musée d’art contemporain de Montréal, souligne l’ampleur du travail de Burtynsky par une scénographie réalisée par le studio d’architecture Alvisi Kirimoto, offrant aux visiteurs une véritable immersion dans ces paysages façonnés par l’homme.
En plus des 80 photographies grand format et des 10 photographies murales en haute définition, l’exposition propose une expérience de réalité augmentée ainsi que la projection immersive du film In the Wake of Progress (2022), un court-métrage coproduit par Burtynsky. La section « Process Archive » présente les différentes technologies et appareils photographiques utilisés par l’artiste au fil des années, du moyen format argentique au numérique puis aux drones, qui ont permis par l’assemblage de multiples prises de vue la réalisation de photographies à très grande échelle, imprimées sur des pans entiers de murs. L’exposition met également en lumière un contexte plus local : le couloir du deuxième étage présente 9 photographies commandées à l’artiste par la Fondation Sylva en 2022, illustrant les effets dévastateurs de la Xylella sur les oliviers des Pouilles, une catastrophe environnementale révélant les impacts du changement climatique en Italie.
En quatre décennies de photographie, Burtynsky n’a eu de cesse de sensibiliser à la réalité de notre ère industrielle, profitant d’un accès privilégié à des sites généralement hors de vue du public. Sur des monte-charges, des grues ou même en hélicoptère, il capture ce qu’on ne voit pas – les conséquences de notre insatiable appétit en énergie et ressources naturelles.
La force du travail de Burtynsky tient de l’union entre une clarté conceptuelle, une maîtrise technique et une esthétique soignée et attrayante. Chaque image est le fruit d’un travail préparatoire minutieux, l’artiste définissant son message et trouvant les lieux les plus aptes à les véhiculer : du plus vaste échangeur autoroutier au monde, aux raffineries aux allures de cathédrales, jusqu’aux monts et vallées formés par les piles de plastiques destinés au recyclage. Plus l’étendue du site est grande, plus l’impact sera profond, que ce soit conceptuellement ou visuellement.
En photographiant ces vastes panoramas industriels et agricoles, souvent d’une perspective aérienne, Burtynsky métamorphose le paysage en compositions évoquant des peintures de Rothko ou de Pollock. Les formes et motifs des mines, carrières et champs se transforment en motifs abstraits dans des images savamment composées, aux couleurs vibrantes. Il ne s’agit pas, pour Burtynsky, d’embellir le drame écologique, mais de mettre en lumière la dualité entre beauté et destruction, fascination et répulsion. L’attrait des images permet en outre d’impliquer le spectateur émotionnellement pour l’amener à une prise de conscience des dilemmes écologiques et éthiques de notre époque.
Sensible à la démarche et à l’engagement de l’artiste, la maison Tattinger soutient la tournée mondiale de l’exposition à travers son Fonds Philanthropique Ars Nova. Après un début remarqué à la Saatchi Gallery de Londres et l’exposition de Venise, « BURTYNSKY : Extraction/Abstraction » partira donc à la rencontre de nouveaux publics, afin de sensibiliser davantage sur l’impact de l’humanité sur une nature précieuse mais meurtrie, dont la protection est essentielle à notre survie.