Psycho, Les Oiseaux, Sueurs froides, Fenêtre sur cour, La mort aux
trousses… Même si l’on n’a pas vu ces films, on en connaît le nom. Et pour
cause, leur auteur, le réalisateur britannique Alfred Hitchcock, a façonné pour
chacun de ces films un univers immédiatement reconnaissable.
Mêlant suspense, esthétique léchée et narration tirée au cordeau, ils sont
devenus des icônes du cinéma. Retour sur ce qui fait le style
Hitchcockien.
Né en 1899 à Londres, Alfred Hitchcock débute dans le cinéma en tant que graphiste de titres, avant de pouvoir s’essayer à la réalisation. Le cinéma étant alors muet, il apprend à raconter des histoires de manière purement visuelle. Son parcours, marqué par un intérêt pour la technique et les scènes très complexes, associé à sa curiosité pour la psychologie humaine, fait de lui le maître du suspense et d’une peur qui s’exprime en nuances.
C’est en 1927 avec The Lodger: A Story of the London Fog (Les
Cheveux d’Or, pour la version française), un thriller psychologique inspiré
des crimes de Jack l’Éventreur, qu’Hitchcock
commence véritablement à poser les bases de l’univers visuel et narratif qui
fera sa renommée : maîtrise des cadrages, de la lumière, thèmes de la paranoïa
et de la culpabilité, danger dans le quotidien des personnages, ou encore manipulation
du point de vue – lorsqu’Hitchcock alterne entre ce que le spectateur sait et
ce qu’ignore le personnage.
La tension naît de l’anticipation : le quotidien se transforme en terrain de
menace, chaque geste et chaque décision ayant une portée dramatique.
Alfred Hitchcock utilise le temps comme un outil, en contrôlant le rythme et l’attente, pour en faire un ressort du suspense. Il retarde volontairement la révélation d’un événement attendu, afin d’amplifier la tension. Le spectateur sait souvent qu’un danger approche – par exemple, une bombe placée sous une table (Sabotage, 1936) ou un crime imminent (comme la scène de la douche dans Psychose, 1960) –, mais il doit attendre que l’action le rattrape. Ce décalage entre savoir et action crée une angoisse soutenue, plus puissante que la simple surprise.
Les décors – maisons, rues, villes – deviennent des prolongements de l’état
psychologique des personnages, où lumière, cadrage et mouvement accentuent la
menace. Hitchcock combine cette mécanique à une économie narrative remarquable
: dialogues réduits, gestes expressifs, violence suggérée plutôt que montrée,
voyeurisme et désir implicites.
Cette maîtrise du suspense a influencé durablement la littérature noire et le
thriller psychologique, jusqu’aux gialli italiens de Dario Argento
ou encore Mario Bava qui reprennent, dans une esthétique différente, la tension
psychologique, le huis clos oppressant et la manipulation du point de vue.
La carrière d’Hitchcock, de The Lodger (1927) à Family Plot (1976), illustre une évolution vers une maîtrise totale du suspense visuel et narratif. Il n’a jamais cédé à l’excès gratuit : chaque cadrage, geste, regard ou silence doit être justifié. Son style, alliant précision technique et exploration psychologique, demeure un modèle d’élégance dramatique où l’angoisse naît de la rigueur narrative et de la mise en scène.



