Le compositeur Yuksek n’est pas seulement passionné par ses claviers, il l’est aussi par ses boîtiers photo qu’il ne quitte jamais, et avec lesquels il fait des portraits de gens et de lieux. Adepte d’une déambulation intuitive, il revendique une démarche artistique lui permettant d’aller au contact du monde, librement et avec légèreté. 

« La photographie m’a toujours intéressé. C’est cliché de dire ça, mais ça me permet d’ouvrir les yeux et de regarder autrement » affirme Yuksek. Musicien à succès, auteur de nombreuses BO de films et séries, il voyage toute l’année et en profite pour réaliser ses images. Il immortalise des situations cocasses, des rencontres inédites, des tableaux pimentés et colorés. « J’aime bien photographier les gens quand ils sont en train de voir quelque chose. C’est pour cette raison que je prends souvent les personnes de dos ou de profil, afin de donner une ligne de fuite au regard. »

« C’est vrai que j’ai besoin d’être en voyage quand je prends des photographies. Je déambule des heures loin des sentiers battus, comme au Liban par exemple où je suis allé en octobre 2022. » Amoureux du pays où il a de nombreux amis dans la musique, Yuksek a décidé de mener un travail photographique dans le cadre de son soutien après la tragédie de l’explosion à Beyrouth en 2020. Ce travail a fait l’objet d’un livre publié aux éditions Le Bec en l’air et révèle la beauté douce-amère des paysages du Liban, pris entre la splendeur de la Méditerranée et les tristes ruines.

YUKSEK PHOTO

C’est dans ce type de contradictions qu’aiment s’inscrire les photographies de Yuksek. Des séries parfois franchement drôles comme celle autour du chien Marguerite qui sort sa tête de différentes fenêtres ou plus métaphysiques comme cette réflexion sur le « presque monde » ; genre de situations absurdes que nous pouvons parfois rencontrer dans le quotidien où se mêlent nostalgie, paradoxes, curiosités. Tel ce vieil homme qui est assis sur un agrès de sport à Paris ou bien cet avion de ligne qui disparaît brutalement dans le ciel au profit de la tranche nette d’un vaste immeuble.

Vers la lumière

« J’aime l’idée d’aller, grâce à la photographie, vers la lumière et la couleur », témoigne l’artiste. Avec Process Editions, Yuksek s’apprête à sortir un petit livre sur une série de photographies réalisées sur des ferries à l’occasion des Rencontres de la photographie à Arles. « Je suis allé sur ces bateaux entre la Corée et le Japon, en Norvège et dans beaucoup d’autres endroits du monde, dit-il. J’ai essayé de saisir la vie sur ces ferries qui ont quelque chose de désuet, et une certaine dimension poétique. Ce sont des transports de moyen terme : les gens vivent et s’installent le plus souvent pour une journée ou une nuit dans un lieu qui n’est pas vraiment fait pour. Les voyageurs sont à la fois en chemin et installés. C’est cet état de suspension entre deux rives que j’ai cherché à saisir. » 

Yuksek peut aussi puiser dans un matériau plus personnellement sensible : la nostalgie. C’est l’objet d’un autre livre à paraître aux éditions Le Bec en l’air en novembre prochain, à l’occasion de Paris Photo. Un travail réalisé autour d’archives familiales qui évoque, parmi d’autres souvenirs d’enfance, le souvenir de sa mère défunte. « La photographie a une dimension thérapeutique pour moi » observe Yuksek, qui assure s’y être consacré davantage après la mort de ses parents.

Yuksek photo

« La difficulté réside dans l’idée de mêler la musique et la photographie, ce que je souhaite faire prochainement à l’occasion d’une exposition dans un festival de musique. » avance-t-il quand on lui demande les prochaines étapes de son projet artistique. Il s’amuse d’ailleurs à pointer le fait que ses photographies et sa musique ont un point commun : elles sont faites de plein de petits moments qui, juxtaposés, forment peu à peu une matière intéressante, un puzzle vibrant à façonner – qui témoigne de son appétit insatiable pour le chant du monde. 

Rencontre autour de son livre sur le Liban à Arles Book Fair pendant les Rencontres de la Photographie d’Arles.
Le 11 juillet à 17h30
Collège Saint-Charles, 2 rue de la Calade à Arles
Yuksekidocliche.com/ IG : @Yuksek_photo

Texte : Jean-Baptiste Gauvin
Photos : © Yuksek