Pour son prochain film, « C’est le monde à l’envers » qui sortira en salles le 16 octobre, le réalisateur a réussi la prouesse d’un tournage « presque entièrement décarboné ».

Pendant plusieurs décennies, il a parcouru le monde – à pied, en traîneau ou en canoë – pour en partager la beauté. Déjà connu pour ses talents de documentariste, il l’est depuis une quinzaine d’années – et le succès de Belle et Sébastien (2013) y a contribué – pour son métier de réalisateur de fictions. Dans ses différentes vies, Nicolas Vanier a toujours eu une conscience aiguë de la fragilité de la nature et de l’impact de l’activité humaine sur son environnement. Il s’agit même là d’un fil rouge dans son parcours. À tous les niveaux.

C'est le monde à l'envers - tournage - Nicolas Vanier
© Eric Travers – Bonne Pioche Cinéma – Gaumont – 2023

En ce début d’automne, le réalisateur ne profite que trop peu de la nature et de la campagne solognote, où il vit, tant il passe ses journées rivé à sa table de montage. Le tournage de son prochain film s’est achevé voici quelques semaines, sa sortie est prévue dans un an. L’adaptation de son roman, « C’est le monde à l’envers », rassemble Barbara Schulz, Valérie Bonneton, Éric Elmosnino, François Berléand, Michaël Youn ou encore l’ex-tennisman Yannick Noah, qui joue ici le personnage d’un écolo installé en pleine campagne. De nature, il en sera question, bien sûr, dans cette comédie où un trader parisien (Michaël Youn) se réfugie dans le Morvan. L’économie mondiale s’effondre, il fuit la Capitale et fait l’expérience, au contact de paysans et de villageois, d’une forme de renaissance. 

Là, dans ce Morvan qu’il connaît si bien depuis l’enfance, Nicolas Vanier a choisi de transformer ses convictions en actes en se passant sur site de tout hydrocarbure. Une fois le matériel technique acheminé en Bourgogne, plus aucune goutte de pétrole n’a été nécessaire à l’activité du plateau. Vingt-cinq véhicules électriques ont été déployés pour les équipes techniques, les comédiens. Les besoins énergétiques ont été réduits grâce à la technologie LED, aucun groupe électrogène n’a été utilisé, là où ils sont monnaie courante sur tous les tournages. Circuits courts, cantine bio et locale pour les équipes, panneaux solaires pour l’alimentation électrique, le tournage de « C’est le monde à l’envers » est « presque entièrement décarboné », souligne Nicolas Vanier, qui s’est engagé dans cette voie depuis de longues années. « Je suis les évolutions technologiques. Sur chaque tournage, j’ai pu aller un peu plus loin. Sur celui-ci, j’estime que nous sommes en accord avec ce pourquoi nous nous battons. » Au point de refuser un rôle à un comédien connu qui n’entendait pas devoir covoiturer avec d’autres ou partager sa loge. « Tout ce que nous avons fait là, nous n’aurions pas pu le réaliser voici cinq ans, reconnaît-il. Il y a beaucoup d’innovations récentes. » Chacun a été mis à la tâche. Comme les décorateurs, scénographes et costumiers, à qui il a été demandé de ne travailler qu’avec des matériaux de réemploi. « On s’adapte, on transforme, cela fait aussi partie de nos métiers », s’amuse Nicolas Vanier.  

Si certains ont bien « râlé » à un moment ou un autre, tous ont été finalement pris par l’enjeu. « Au début, on identifie surtout ce qui apparaît comme une contrainte. S’arrêter vingt minutes au bout de deux heures pour recharger la batterie d’une voiture électrique, c’est souvent vu comme une perte de temps, il faut bien le reconnaître. Et puis, lorsque l’on y est vraiment, on se rend compte que c’est agréable, de ralentir un peu, de prendre un café, d’avoir le temps de passer un ou deux appels. » Nicolas Vanier défend « une sobriété heureuse », il entend que ce tournage exemplaire fasse des émules. À l’issue du tournage, un livret a été réalisé avec tous les corps de métiers mobilisés, pour que chacun puisse transmettre son expérience dans un guide à l’usage d’autres équipes. « Il ne faut rien y occulter, car dans ce genre d’expériences, on se nourrit beaucoup de nos erreurs et de nos tâtonnements », assure-t-il. C’est déjà une belle réussite, avec un surcoût « écologique » qui dépasse légèrement 1% du budget total du tournage. Selon une étude réalisée par Ecoprod en 2020, l’activité du secteur audiovisuel en France présente chaque année un bilan d’1,7 million de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 400 000 aller-retours Paris-New-York. Et l’on mesure ici l’enjeu de ce qui a été réalisé…

C'est le monde à l'envers - tournage - Nicolas Vanier
Nicolas Vanier © Eric Travers – Bonne Pioche Cinéma – Gaumont – 2023
Texte : Cyrille Jouanno
Image de couverture © Florian Alzay – Bonne Pioche Cinéma – Gaumont – 2023